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sion que la plus exacte régularité des traits ne sauroit donner. Mais comme toutes les perfections morales de notre héroïne vont se découvrir au lecteur, dans l’intimité où nous nous proposons de l’admettre auprès d’elle, il est inutile de lui en tracer d’avance le tableau. Ce seroit faire une sorte d’injure à son intelligence, et lui dérober le plaisir d’en juger par lui-même.

Nous croyons pourtant convenable de dire, qu’une éducation soignée avoit encore ajouté aux heureux dons que Sophie tenoit de la nature. Elle avoit été élevée sous les yeux d’une tante, femme pleine de sagesse et d’expérience, qui, dégoûtée de la cour où elle avoit passé sa jeunesse, s’étoit retirée depuis quelques années à la campagne. Grace à ses leçons, Sophie ne laissoit rien à désirer, sous le rapport du goût et de l’instruction. Il ne lui manquoit peut-être qu’un peu de cette aisance dans les manières qui ne s’acquiert que par l’usage du grand monde ; mais ce léger mérite, si estimé de nos voisins les François, s’achète souvent trop cher ; l’innocence y supplée de reste, et nous pensons que le bon sens, joint aux graces naturelles, n’en a pas besoin pour plaire.