Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/249

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ce principe actif constitue peut-être la barrière la plus essentielle, qui sépare l’homme des animaux rangés après lui dans l’ordre de la nature. Si quelque individu à figure humaine en méconnoît l’empire, il faut le considérer comme un déserteur de notre espèce, qui a passé chez les brutes, et qui, en qualité de transfuge, ne mérite pas même d’être placé parmi elles au premier rang.

Que notre héros tînt ce principe de Thwackum ou de Square, il en avoit l’ame fortement pénétrée. S’il ne faisoit pas toujours bien, jamais il ne faisoit mal par ignorance, ou sans remords. Il savoit, que payer d’un larcin la confiance d’un ami, et les bienfaits de l’hospitalité, c’étoit commettre la plus lâche, la plus odieuse des trahisons. Loin de se figurer que la grandeur de l’offense en diminuât la bassesse, il pensoit que si l’on punit d’une mort infame le vol d’un simple bijou, il n’existe pas de supplice assez rigoureux pour châtier le scélérat qui ose ravir à un père sa fortune et son enfant.

Tels étoient les motifs qui l’empêchoient de songer à s’enrichir par des voies illicites. S’il eût été bien épris de Sophie, peut-être eût-il agi d’une autre façon ; et, dans ce cas, sa faute n’auroit pas été tout-à-fait sans excuse ; car, on nous permettra de le dire, il est très-différent d’enlever une