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de quoi en rougir ; car c’est assurément un fort aimable jeune homme.

— Oui, mademoiselle, rien n’est plus vrai. C’est bien le plus joli jeune homme que j’aie vu de ma vie ; et comme le dit mademoiselle, je ne sais pas pourquoi je rougirois de l’aimer, quoiqu’il soit au-dessus de moi ; car enfin les gentilshommes sont de chair et d’os, aussi bien que nous autres domestiques. D’ailleurs, si M. Jones est gentilhomme, par la grace de M. Allworthy, ma naissance vaut mieux que la sienne. Malgré ma pauvreté, je sors d’une honnête famille ; mon père et ma mère étoient mariés, et beaucoup de gens portent la tête bien haut, qui n’en pourroient pas dire autant de leurs parents. Pardi ! quoique M. Jones ait la peau blanche, oh oui ! la plus blanche qu’on ait jamais vue, je suis chrétienne comme lui, et personne ne peut dire que je sois mal née. Mon grand-père étoit homme d’église[1], et n’auroit pas trouvé bon, je pense, que quelqu’un de sa famille ramassât les restes d’une Molly Seagrim. »

Certains traits de ce discours durent être peu

  1. Honora est la seconde personne née d’un père ecclésiastique, qui remplit dans cette histoire un emploi subalterne. Il faut espérer qu’un temps viendra, où l’on s’occupera d’assurer un meilleur sort aux familles du clergé inférieur ; et alors de pareils exemples paroîtront plus extraordinaires qu’aujourd’hui.