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d’une pareille laideron. » Jenny releva ce propos avec un ton d’aigreur d’autant plus surprenant, qu’elle avoit opposé jusque-là un sang-froid imperturbable aux nombreuses attaques dirigées contre son honneur. Peut-être bien sa patience étoit-elle fatiguée ; car c’est une vertu qui résiste difficilement à un long exercice.

Mistress Déborah ayant réussi dans sa mission au-delà de son espoir, s’en revint triomphante au château, et fit à l’heure dite son rapport à M. Allworthy. L’écuyer en fut fort surpris. Il avoit entendu vanter l’esprit et les connoissances de Jenny, et se proposoit de la marier à un jeune ministre du voisinage, auquel il destinoit en dot un petit bénéfice. La peine que lui causa cette découverte égala pour le moins la satisfaction de Déborah, et paroîtra sûrement plus raisonnable à la plupart de nos lecteurs.

Miss Bridget se récria, et dit qu’elle ne croiroit plus désormais à la vertu d’aucune femme ; car elle avoit eu jusqu’alors la meilleure opinion de Jenny.

On renvoya la gouvernante au village, avec ordre d’amener la malheureuse fille devant M. Allworthy. L’écuyer avoit dessein, non de la condamner, selon le désir de quelques-uns et l’attente de tous, à expier sa faute dans une maison de correction, mais de lui adresser les reproches