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nature, autant que nous le pouvons croire, n’a fixé pour cela aucun âge. En tout cas, celui auquel miss Bridget étoit parvenue, nous semble une époque aussi convenable que toute autre. Ce tribut, il est vrai, se paie généralement beaucoup plus tôt ; dans le cas contraire, on ne manque guère, ou jamais, de l’acquitter vers ce temps-là. Nous remarquerons en outre que, dans cette tardive saison, l’amour se montre plus constant et plus sérieux qu’au printemps de la vie. Chez les jeunes filles, il paroît incertain, capricieux, et si irréfléchi, qu’il est souvent difficile de deviner ce qu’elles veulent, et permis de douter qu’elles le sachent elles-mêmes.

Mais rien de plus aisé que de lire dans le cœur des femmes qui approchent de la quarantaine. Éclairées par une longue expérience, elles ne se méprennent pas sur l’objet de leurs désirs, et l’homme le moins clairvoyant le pénètre aussi sans peine.

Miss Bridget nous offre une preuve de la justesse de ces observations. Elle ne vit pas long-temps le capitaine, sans connoître le pouvoir de l’amour : au lieu de se consumer en soupirs, de promener ses rêveries dans les bosquets du parc, comme eût fait une petite fille assez sotte pour ignorer son mal, elle discerna sur-le-champ la nature de l’émotion qu’elle éprouvoit, elle en