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TOM JONES.

montrant dans la soumission de sa rebelle maîtresse, la gloire du triomphe unie aux jouissances de la volupté. Il avoit encore, pour aspirer à sa possession, d’autres vues si odieuses, que nous nous abstiendrons de les énoncer. La vengeance elle-même n’étoit pas étrangère à ses desseins. L’idée de supplanter son rival, de le désespérer, lui causoit une joie infernale.

Outre ces motifs que quelques personnes scrupuleuses pourront juger trop révoltants, Blifil se proposoit un but qui ne choquera que très-peu de monde. Il songeoit à s’approprier la fortune de M. Western. Celui-ci devoit l’assurer, sans réserve, par contrat de mariage, à Sophie et à sa postérité ; car telle étoit l’extravagante tendresse de l’écuyer pour sa fille, que pourvu qu’elle consentît à être malheureuse avec l’époux qu’il lui avoit choisi, il ne regardoit du reste à aucun sacrifice.

L’esprit tout occupé de l’exécution de son plan, Blifil résolut de tromper Sophie par l’apparence d’une véritable passion, et de persuader à son oncle et à M. Western qu’il étoit payé de retour. Il trouvoit dans les principes de Thwackum et de Square, la justification de cette double imposture. Le théologien lui avoit appris, que quand la fin qu’on se propose est bonne (et quelle fin meilleure que le mariage), peu importent les