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à la vue de son chef, qu’à celle du fantôme imaginaire, raconta de nouveau sa terrible histoire, avec une grande addition de sang et de flammes. Cette fois, il eut le malheur de ne trouver que des incrédules. Le lieutenant, quoique très-religieux, étoit exempt de vaines superstitions. D’ailleurs, l’état où il avoit laissé M. Jones peu de moments auparavant, ne lui permettoit pas d’ajouter foi à la nouvelle de sa mort. Quant à l’hôtesse, sans avoir plus de religion qu’il ne falloit, elle n’étoit pas éloignée de croire aux revenants ; mais le récit du factionnaire contenoit une circonstance dont elle connoissoit parfaitement la fausseté, comme on le verra tout à l’heure.

Au reste, que Northerton eût été emporté dans un nuage, dans un tourbillon de flammes, ou de quelque autre manière que ce fût, un fait certain, c’est qu’il avoit disparu. Le lieutenant porta, sur cette affaire, à peu près le même jugement que le sergent dont on a parlé plus haut. Il ordonna qu’on se saisît à l’instant du factionnaire qui, par un de ces revers de fortune assez fréquents dans la profession des armes, prit la place du prisonnier qu’il gardoit.