Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 2.djvu/238

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n’en seroit-elle pas fâchée non plus, car elle m’a parlé de vous…

— Quoi ! se pourroit-il qu’elle eût parlé de son pauvre Jones ? Vous me flattez, je ne puis le croire.

— Que je meure, si je dis un mot de plus que la vérité. Je l’ai entendue parler de M. Jones, d’un ton modeste et réservé ; mais il étoit facile de voir, qu’elle en pensoit beaucoup plus qu’elle n’en disoit.

— Ô ma chère dame ! je ne mérite pas d’occuper sa pensée. Sophie est toute grace, toute douceur, toute bonté… Malheureux ! faut-il que je sois destiné à lui causer un moment de peine, moi qui souffrirois volontiers pour elle tous les tourments, tous les supplices qu’inventa dans sa rage infernale l’ennemi du genre humain ! moi qui compterois pour rien l’excès de l’infortune, si je la savois heureuse !

— Rassurez-vous, je lui ai dit que vous étiez un amant fidèle.

— Mais, je vous prie, madame, depuis quand, et d’où me connoissez-vous ? C’est la première fois que je viens ici, et je ne me souviens pas de vous avoir vue auparavant.

— Je le crois bien, vous étiez si petit quand je vous tenois sur mes genoux, dans le château de l’écuyer.