Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 2.djvu/253

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Ago tibi gratias, domine[1], » répondit le barbier : puis regardant Jones entre deux yeux d’un air plein de gravité, et avec l’étonnement d’un homme qui croit en reconnoître un autre : « Monsieur, lui demanda-t-il, Jones ne seroit-il pas votre nom ?

— Oui, mon ami.

Proh deum atque hominum fidem[2] qu’il arrive d’étranges choses dans le monde ! Monsieur Jones, je suis votre très-humble serviteur. Vous paroissez ne pas me reconnoître. Je n’en suis point surpris. Vous ne m’avez vu qu’une fois, et vous étiez si petit ! De grace, apprenez-moi comment se porte le respectable écuyer Allworthy, ille optimus omnium patronus[3] ?

— Il paroît, mon ami, que vous me connoissez. Moi, je n’ai pas le bonheur de me remettre votre visage.

— Rien de plus simple. Ce qui me surprend, c’est de ne vous avoir pas reconnu plus tôt, car vous n’êtes nullement changé. Puis-je, monsieur, vous demander, sans indiscrétion, où vous comptez aller, par la route que vous suivez ?

— Remplissez votre verre, monsieur le barbier, et trêve de questions, je vous prie.

  1. Je vous rends grace, monsieur.
  2. J’en atteste les dieux et les hommes.
  3. Le meilleur des patrons.