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çoit à descendre de sa chambre, où la goutte l’avoit long-temps retenu. Cette maladie lui ôtoit régulièrement l’usage de ses jambes, pendant la moitié de l’année. Le reste du temps, il alloit et venoit dans la maison, fumoit sa pipe, buvoit sa bouteille avec ses amis, sans se mêler d’aucuns détails domestiques. Il avoit été élevé, comme on dit, en gentilhomme, c’est-à-dire, à ne rien faire. La petite fortune qui lui étoit venue d’un de ses oncles, laborieux fermier, il l’avoit mangée à la chasse, aux courses de chevaux, aux combats de coqs. Sa femme l’avoit épousé dans de certaines vues auxquelles il ne répondoit plus depuis long-temps. Aussi le haïssoit-elle de tout son cœur. Cependant le brave homme étant très-bourru, elle n’osoit le quereller en face, et se contentoit de le mortifier par d’injurieuses comparaisons avec son prédécesseur, dont elle avoit sans cesse l’éloge à la bouche. Comme la majeure partie du profit restoit entre ses mains, elle consentoit à se charger du soin et de la direction du ménage, et laissoit son indolent mari disposer à son gré de sa personne.

Le soir, quand Jones fut remonté dans sa chambre, il s’éleva à son sujet une petite dispute entre ces deux tendres époux. « Eh bien ! dit la femme, vous avez donc été boire avec le jeune gentilhomme ?