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que même en ce désert, je ne suis point à l’abri de la méchanceté des hommes ; car sans votre secours, j’aurois été volé et très-probablement assassiné. »

Jones remercia l’étranger de sa complaisance, et témoigna quelque étonnement de ce qu’il avoit pu supporter la monotonie d’une vie si solitaire. « J’ai peine à concevoir, monsieur, lui dit-il, comment vous avez fait pour remplir le vide de tant d’années.

— Je ne suis point surpris, répondit le vieillard, que la manière dont j’ai vécu ne présente que du vide, à un homme dont les pensées et les affections sont uniquement fixées sur les choses de ce monde ; mais il est une occupation capable d’absorber seule la vie entière. Quel temps peut suffire à la contemplation, au culte de l’être glorieux, infini, éternel, qui d’un mot a tiré l’univers du néant ? Parmi ses divins ouvrages, la terre où il nous a placés ne paroît qu’un point dans l’espace, quand on la compare aux innombrables flambeaux étincelants à la voûte du firmament, et destinés peut-être, comme autant de soleils, à éclairer d’autres systèmes de mondes. L’homme qu’une religieuse méditation élève jusqu’au trône de cette intelligence suprême, se plaindra-t-il de la durée des jours, des années, des siècles même ? Eh quoi ! de vains amusements, des intérêts fri-