Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 2.djvu/370

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

jugement. Comment se flatter d’avoir découvert la véritable essence de deux choses, à moins qu’on n’en discerne la différence ? Or c’est là sans contredit l’œuvre du jugement : et cependant quelques hommes d’esprit prétendent, d’accord avec tous les sots du monde, qu’une même personne a rarement réuni ces deux qualités.

Mais leur réunion ne suffit pas encore : il faut y joindre une certaine étendue de savoir. Nous pourrions citer, à l’appui de notre opinion, l’autorité d’Horace et de beaucoup d’autres, pour peu qu’il fût nécessaire de prouver que des outils sont inutiles dans les mains d’un ouvrier, si l’art ne les a point façonnés, si la manière de s’en servir lui est inconnue, si la matière pour les employer lui manque. Voilà ce que procure le savoir. La nature ne nous donne que la capacité, ou pour suivre la métaphore, que les outils de notre profession. Le savoir doit les approprier à leur destination, en diriger l’emploi, et fournir au moins une partie des matériaux. On ne sauroit se passer d’une connoissance raisonnable de l’histoire et des belles-lettres. Il seroit aussi ridicule d’aspirer au titre d’historien, sans ce fonds d’érudition, que de vouloir bâtir une maison sans bois, ni briques, ni pierres, ni mortier. Homère et Milton, que nous rangerons parmi les historiens de notre classe, quoiqu’ils aient enrichi