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ces termes : « Où allez-vous donc, ma mie ? restez en bas, s’il vous plaît. Sachez qu’on ne reçoit pas ici de princesse vêtue comme vous. » Mais Jones, au même instant, lui criant d’une voix de tonnerre : « Laissez monter cette dame », le bonhomme effrayé lâcha prise, et la dame gagna la chambre le plus vite qu’elle put.

Jones, après l’avoir félicitée d’être enfin parvenue en lieu de sûreté, lui dit qu’il alloit s’occuper des moyens de lui procurer les vêtements dont elle avoit besoin. Elle l’assura de sa reconnoissance, et témoigna un vif désir de le voir bientôt de retour, pour lui réitérer ses remercîments. Pendant ce court entretien, elle couvroit de son mieux, avec ses bras, son sein d’albâtre, sur lequel Jones ne put s’empêcher de jeter furtivement un regard, ou deux, malgré son extrême attention à éviter de lui déplaire.

Le hasard avoit conduit nos voyageurs dans une hôtellerie bien famée, où les dames irlandaises de vertu rigide, et beaucoup de sages demoiselles du nord de l’Angleterre, s’arrêtoient ordinairement, en allant à Bath. L’hôtesse n’avoit donc garde de souffrir sous son toit l’apparence même d’un mauvais commerce ; car telle est la nature contagieuse du scandale, qu’il souille le lieu même qui en est le théâtre, et discrédite la maison où on le tolère.