Mistress Waters n’eut pas plus tôt pris place à table, en face de notre héros, qu’elle fit jouer contre lui toute cette artillerie ; mais au moment d’entreprendre une description qui n’a été tentée jusqu’ici ni en vers ni en prose, nous jugeons à propos d’invoquer certains génies aériens, dont nous espérons obtenir l’obligeante assistance.
Ô vous, Graces, qui animez les traits divins de Séraphine, vous qui ne la quittez jamais et qui connoissez si bien le secret de charmer les cœurs, dites quelles furent les armes qu’employa mistress Waters, pour soumettre celui de M. Jones.
D’abord de deux beaux yeux bleus dont les brillantes prunelles lançoient un feu aussi vif que l’éclair, partirent deux fines œillades. Par bonheur pour notre héros, elles ne frappèrent qu’un énorme morceau de bœuf qu’il faisoit alors passer du plat sur son assiette, et consumèrent en vain leur force. La belle guerrière s’aperçut de l’échec. Aussitôt elle tira de son sein d’albâtre un soupir meurtrier, un soupir que nul n’auroit pu entendre sans émotion, un soupir capable de renverser à la fois une douzaine de petits-maîtres, un soupir enfin si doux, si tendre, si voluptueux, si insinuant, qu’il n’auroit pas manqué de pénétrer jusqu’au cœur de Jones, s’il n’avoit été écarté de son oreille par le bouillonnement grossier de l’excellente bière qu’il versoit en ce moment dans