ble rencontre, elle fut obligée de se parer pour recevoir une visite odieuse.
Dans l’après-midi, M. Western lui fit part, pour la première fois, de ses intentions dont sa tante, lui dit-il, avoit déjà dû l’instruire.
À ces mots, la tristesse se peignit sur le visage de Sophie, et des larmes s’échappèrent de ses yeux.
« Allons, allons, dit M. Western, point d’enfantillage ; je sais tout ; ma sœur m’a tout conté.
— Quoi ! s’écria Sophie, ma tante m’auroit-elle trahie ?
— Trahie ! eh ! ne vous êtes-vous pas trahie vous-même, hier à dîner ? votre inclination n’a-t-elle point paru assez visible à tout le monde ? Vous autres jeunes filles, vous ne savez ce que vous voulez. Ainsi vous pleurez, parce qu’on va vous marier à l’homme que vous aimez ! Votre mère, je m’en souviens, pleuroit et se lamentoit de la même manière : vingt-quatre heures après la noce, il n’y paroissoit plus. M. Blifil est un gaillard qui aura bientôt coupé court à toutes ces simagrées. Allons, de la gaîté, morbleu, de la gaîté, je l’attends à chaque minute. »
Sophie convaincue que sa tante lui avoit tenu parole, résolut de supporter avec courage la contrainte de cette soirée, et de faire en sorte que son père ne conçût aucun soupçon.