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Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 2.djvu/64

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CHAPITRE IX.

tendresse pour ce jeune homme. L’égalité de naissance et de fortune lui paroissoit une condition du mariage aussi essentielle, que la différence des sexes, et il ne craignoit pas plus de voir sa fille tomber amoureuse d’un homme pauvre et sans nom, que d’un animal d’une autre espèce que la sienne.

Au récit de sa sœur, il demeura immobile, atterré ; l’excès de la surprise lui ôta la respiration et la parole. L’une et l’autre lui revinrent bientôt, et avec plus de force, comme il arrive d’ordinaire, après une courte suspension de ces facultés. Le premier usage qu’il en fit fut de vomir un torrent d’imprécations et d’injures. Il courut ensuite chez sa fille, qu’il comptoit surprendre avec Jones, poussant à chaque pas des cris d’indignation et de rage.

Quand deux tourterelles, ou deux colombes, ou, si vous l’aimez mieux, quand un berger et sa bergère se sont retirés à l’écart, au fond d’un riant bosquet, sans autre témoin que l’amour, l’amour cet enfant timide qui cherche la solitude, et qu’embarrasse la présence d’un tiers, si tout-à-coup le ciel vient à se couvrir de sombres nuages, et la foudre à retentir en longs éclats dans les airs, la jeune fille se lève avec effroi du banc de mousse, ou de gazon qui lui servoit de siége, la pâleur de la mort remplace le vif incarnat dont