Aller au contenu

Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 2.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
63
CHAPITRE XI.

ne suis pas plus facile à tromper qu’un autre, voisin, gardez-vous de le croire. »

M. Allworthy eut peine à s’empêcher de rire de la simplicité de l’écuyer. Il se contint pourtant ; il connoissoit le cœur humain, et avoit trop de savoir vivre et de bonté naturelle, pour offenser M. Western, dans une pareille circonstance. Il lui demanda donc ce qu’il désiroit de lui.

« Ce que je désire ? c’est que vous défendiez au drôle d’approcher de ma maison. Moi, je vais de ce pas enfermer sous clef la coquine. Elle épousera votre neveu, malgré ses dents ; oui, monsieur Blifil, vous serez mon gendre. J’en fais le serment. »

Il partit, en disant que sa maison étoit tout en désordre ; qu’il avoit hâte de s’en retourner, pour prévenir quelque escapade de la part de sa fille. Quant à Jones, il jura, s’il le rattrapoit chez lui, de le mettre hors d’état de troubler à l’avenir le repos des familles.

L’oncle et le neveu, restés seuls, gardèrent un long silence, que Blifil interrompoit de temps en temps par des soupirs, où la haine avoit plus de part que l’amour ; car la perte de Sophie l’affligeoit beaucoup moins que le triomphe de Jones.

À la fin, son oncle lui ayant demandé ce qu’il comptoit faire : « Hélas ! monsieur, répondit-il, faut-il demander à un amant le parti qu’il pren-