Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/102

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« Ce que j’en pense ? répondit-elle, et que voulez-vous que j’en pense ?

— Je sais bien moi, reprit l’hôte, ce qu’il faut en penser. Les guides nous content d’étranges histoires. L’un prétend qu’elles viennent de Glocester, l’autre d’Upton, et aucun, à ce que je vois, ne peut dire où elles vont. Mais s’est-on jamais avisé de venir d’Upton ici, à travers champs, pour se rendre à Londres ? car une des femmes de chambre, avant de descendre de cheval, a demandé si cette route n’étoit pas celle de Londres. Or, en rapprochant toutes ces circonstances, j’ai jugé que ces inconnues étoient… devinez qui.

— Vous savez, mon ami, que je n’ai pas la prétention d’être aussi habile que vous.

— Voilà une bonne petite femme, dit l’hôte en lui passant la main sous le menton. Oui, je dois en convenir, vous avez toujours rendu justice à ma perspicacité. Eh bien donc, comptez là-dessus… Souvenez-vous de ce que je vous dis… comptez là-dessus. Ce sont, je gage, quelques-unes de ces femmes rebelles qui marchent, dit-on, à la suite du jeune chevalier[1], et qui ont pris un chemin détourné pour éviter l’armée du duc.

— Mon mari, vous avez mis le doigt dessus. L’une d’elles est vêtue comme une princesse, et

  1. C’étoit le nom qu’on donnoit au prince Édouard.