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tions, comme de l’attraper, de le tuer, de le plumer, l’hôtesse auroit entrepris de faire tout cela dans le temps prescrit, si elle n’avoit craint que la femme de chambre, placée sur le lieu de la scène, ne s’aperçût de la fourberie. La pauvre hôtesse fut donc obligée d’avouer qu’elle n’avoit point de poulets ; « mais, mademoiselle, dit-elle, je puis, si vous le souhaitez, me procurer à l’instant, chez le boucher, d’excellent mouton.

— Croyez-vous donc, répliqua la soubrette, que j’aie un estomac d’autruche, pour manger du mouton à l’heure qu’il est ? Vous autres cabaretiers, vous vous imaginez que vos supérieurs vous ressemblent. Je m’étois bien attendue à ne rien trouver de bon dans ce misérable bouchon, et je m’étonne que ma maîtresse ait voulu s’y arrêter. Il ne loge ici, je le suppose, que des rouliers et des marchands de bœufs. »

L’hôtesse se sentit vivement blessée de l’insulte faite à sa maison ; elle réprima pourtant sa colère, et se contenta de répondre, que son auberge étoit fréquentée, grace à Dieu, par des gens de qualité.

« Ne me parlez pas de gens de qualité. J’en connois, je m’en flatte, plus que vous. Sans me rompre la tête de vos impertinences, dites-moi enfin si vous avez quelque chose de mangeable à me servir ; car je meurs de faim.