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un prix exorbitant, à lui fournir des chevaux pour s’échapper. Rien ne résistoit dans cette maison à l’appât de l’or. La maîtresse qui auroit chassé sa servante, comme une coquine, si elle avoit su ce que sait le lecteur, n’étoit pas plus à l’épreuve de la séduction que la pauvre fille.

M. Western et son neveu ne se connoissoient point, et le premier n’auroit pas daigné honorer le second d’un regard, quand il l’auroit connu. Dans l’opinion de l’écuyer, tout mariage clandestin étoit une union contre nature. Depuis le fatal hymen de sa nièce, il avoit abandonné cette malheureuse créature, à peine âgée de dix-huit ans, et ne permettoit même pas que son nom fût prononcé devant lui.

Il régnoit alors dans la cuisine un désordre inexprimable. Western et Fitz-Patrick demandoient à grands cris, l’un sa fille, l’autre sa femme. En ce moment M. Jones entra, ayant par malheur à la main le manchon de Sophie.

Dès que Western l’aperçut, il poussa le cri ordinaire aux chasseurs, à la vue de leur proie ; il s’élança sur lui, le saisit à la gorge et s’écria : « Le voici ! le voici ! je tiens le maudit renard. La femelle n’est pas loin, je vous le garantis ! » Les propos bruyants et confus qui se tinrent pendant quelques minutes, seroient aussi difficiles à rapporter que fastidieux à lire.