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route qu’elles auroient suivie. Mais Sophie avoit trop à risquer pour rien mettre au hasard, et n’osant se fier à sa constitution délicate, dans une affaire dont le succès dépendoit de la vitesse, elle résolut de faire au moins vingt ou trente milles à travers champs, et de gagner ensuite la route de Londres. Ayant donc loué des chevaux pour parcourir cette distance dans une direction contraire à celle qu’elle se proposoit de suivre, elle partit sous la conduite du même guide qui l’avoit amenée jusque-là. Celui-ci prit alors, à sa place, un fardeau moins doux et plus pesant ; c’étoit une énorme valise remplie des parures à l’aide desquelles Honora se promettoit de faire dans la capitale mille conquêtes et une brillante fortune.

Quand elles furent à environ deux cents pas de l’auberge, sur la route de Londres, Sophie s’approcha du guide, et avec une éloquence plus douce que celle de Platon, dont les anciens ont dit que le miel couloit de ses lèvres, elle l’engagea à prendre le premier chemin qui conduiroit à Bristol.

Lecteur, nous ne sommes point superstitieux, et les miracles modernes nous inspirent peu de foi : aussi, ne te garantissons-nous pas le fait que tu vas lire, et auquel nous avons nous-mêmes de la peine à croire ; mais l’exactitude scrupuleuse