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pas de créature plus malheureuse que moi. J’ai perdu la meilleure des maîtresses. » Ici Honora crut à propos de verser un torrent de larmes.

« Ne pleurez pas, mon enfant, dit la compatissante lady. On pourra trouver moyen de vous dédommager. Venez me voir demain matin. » En prononçant ces mots, elle ramassa son éventail qui étoit tombé par terre, et sans daigner jeter un regard sur Jones, elle sortit majestueusement de la chambre. Il y a dans l’impudence des grandes dames une sorte de dignité à laquelle leurs inférieures essaieroient en vain d’atteindre. Jones la suivit jusqu’au bas de l’escalier, en lui offrant son bras à plusieurs reprises ; elle le refusa obstinément, et monta dans sa chaise avec une froide indifférence pour tous les témoignages de respect qu’il lui prodiguoit.

De retour dans sa chambre, Jones eut un long entretien avec Honora, pendant qu’elle réparoit le désordre de son ajustement. Elle lui reprocha en termes amers l’infidélité dont il s’étoit rendu coupable envers sa jeune maîtresse. Il réussit enfin à l’apaiser ; il en obtint même l’assurance d’une discrétion à toute épreuve, et la promesse que dès le lendemain matin elle tâcheroit de découvrir la demeure de Sophie, et viendroit lui apprendre ce que l’écuyer auroit fait de sa fille, après l’avoir enlevée de chez lady Bellaston.