Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 4.djvu/271

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deux familles déjà si rapprochées par le voisinage, et qui avoient toujours vécu ensemble dans une parfaite union. Quant à la jeune personne, le sentiment unanime de ceux qui la connoissoient et mes propres observations, m’assuroient qu’elle seroit pour un bon mari, un trésor inestimable. Je ne dirai rien de ses qualités personnelles qui méritent certainement l’admiration générale. La bonté de son naturel, sa bienfaisance, sa modestie sont trop connues pour avoir besoin d’éloges ; mais elle a un mérite que possédoit au suprême degré cette excellente femme, objet de mes regrets, qui est maintenant dans le ciel au nombre des anges, mérite peu brillant de sa nature, et si peu remarqué d’ordinaire que je ne puis, faute de termes positifs, le désigner que d’une manière négative. Jamais je n’ai entendu sortir de sa bouche un mot déplacé, une répartie trop vive. Elle ne montre nulle prétention à l’esprit, encore moins à cette espèce de capacité qui est le fruit d’un profond savoir, d’une grande expérience, et dont l’affectation paroît aussi ridicule dans une jeune femme que les grimaces d’un singe. Elle n’émet ni opinions tranchantes, ni jugements dogmatiques ; elle s’interdit les discussions sérieuses. Attentive et réservée dans la société, elle y porte la modestie d’un disciple, et non l’assurance d’un maître. Un jour (ne m’en sachez pas