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de dix ans, ne souhaitoit pas avec plus d’ardeur que le pauvre Partridge.

Quant à Jones, il n’élevoit aucun doute sur la sincérité du barbier ; et par un excès de confiance très-blâmable, il s’imaginoit qu’un sentiment d’amitié, et le zèle pour la cause publique, l’engageoient seuls à le suivre. On peut dire qu’il existe deux sortes de prudence, l’une qui est le fruit de l’expérience, l’autre, un don de la nature. La dernière que l’on qualifie souvent de génie, ou de talent inné, l’emporte infiniment sur la première, parce qu’elle est beaucoup plus précoce et plus sûre. En effet, après avoir été cent fois trompé, on peut, il est vrai, se flatter de ne l’être plus ; mais quand on est intérieurement prémuni contre la séduction, par une voix infaillible, il faut avoir bien peu de raison pour se laisser tromper une seule fois. Jones n’avoit pas reçu du ciel cet heureux talent, et il étoit trop jeune pour l’avoir acquis par l’expérience. La sage méfiance qu’elle produit ne vient, pour l’ordinaire, que très-tard dans la vie : de-là, peut-être, l’excessif penchant de certains vieillards à mépriser le jugement de tous ceux qui sont un peu moins âgés qu’eux.

Jones passa presque toute la journée avec une nouvelle connoissance. C’étoit le maître de l’auberge, ou plutôt le mari de l’hôtesse. Il commen-