Page:Fierens-Gevaert, La renaissance septentrionale - 1905.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

combinent le charme siennois et le pathétique allemand. La jolie figure, grandeur naturelle, de saint Louis peinte dans le déambulatoire de Notre-Dame de Bruges est au contraire une création toute française qui emprunte aux sculpteurs traditionalistes son déhanchement prononcé, la mièvrerie gracieuse de l’attitude, la disposition des plis agglomérant sous le bras gauche des volutes allongées comme dans les Vierges de Hal et de Tournai. Il était naturel que l’influence française si sensible dans la sculpture — art essentiellement décoratif à cette époque — se prolongeât dans la peinture murale. À Gand, les fresques de la Leugemeete représentent le retour des vainqueurs de Groeninghe. Mais… il ne reste plus la moindre trace de cette peinture sur les murailles où on prétendait l’avoir vue. J’ai pu m’assurer de cette complète disparition. Le souvenir de l’œuvre s’est perpétué dans une copie qui est au musée archéologique de Gand. Mais il y a tout lieu de supposer que ces fresques célèbres n’étaient qu’une mystification du plus habile des archéologues.[1] Dès lors toute valeur documentaire doit être refusée à ce groupe « profondément réaliste » d’arbalétriers, de sonneurs de trompes, de porteurs de bannières, et de goedendagdragers.

Si nous avons conservé peu de peintures, en revanche nos archives contiennent d’assez nombreuses mentions concernant les peintres qui travaillent en Belgique durant le XIVe siècle. À mesure que les communes grandissent on voit se multiplier les pingerers et scilders, les peintres de madones, de saints, de philactères, d’armoiries et d’emblèmes ; les enlumineurs de statues, de harnais de joutes, de chars, de navires, de bannières, de pennons, de panonceaux ; les beeldescrivers ou peintres de fresques et de tableaux, les miniaturistes, les héraldistes. Ils se confondent avec les tailleurs d’images, verriers, orfèvres, batteurs d’or, cordouanniers, beeldemakers dans de grandes corporations patronnées par saint Jean, saint Eloi, la Vierge ou son peintre saint Luc.[2] Point de frontières entre l’art et le métier ; point de limites entre les formes diverses de l’activité esthétique. Quelques noms de peintres émergent : Jean de Woluwe, peintre enlumineur de Jeanne et Wenceslas de Brabant ; Jean de Hasselt, peintre de Louis de Mâle, qui

  1. M. Van Malderghem, archiviste de la ville de Bruxelles, a démontré à quel point l’authenticité de ces peintures était suspecte. Cf. les Fresques de la Leugemeete. A. Vromant. 1897. Je me rallie aujourd’hui complètement à l’opinion de cet érudit.
  2. Cf. Dehaisnes. Histoire de l’Art. op. cit. ; et Weale : Bruges. Desclée De Brouwer, 1884 p. 20.