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Annoncé par la statue de Philippe, comte d’Evreux et roi de Navarre († 1343) par les divers monuments de Jeanne de France, reine de Navarre († 1349) par l’effigie de Guillaume de Chanac, évêque de Paris († 1348), ce second courant nouveau s’exprime dans les chefs d’œuvre sous le règne de Charles V et successivement s’incarne en deux maîtres wallons : Jean de Liège et André Beauneveu.

Jean, Jehan ou Hennequin de Liège,[1] que les documents appellent parfois Hennequin de la Croix, était employé à Paris par les comtes de Flandre et jouissait d’un grand crédit à la cour de France. Les textes anciens qui le concernent parlent surtout des travaux qu’il exécuta pour Charles V. Le roi le préférait semble-t-il à tous les imagiers et « faiseurs de tumbes » contemporains et lui confia la part d’honneur dans la décoration sculpturale de la célèbre Vis du Louvre. Cet escalier monumental que Viollet-le-Duc essaya de recréer dans un dessin hypothétique, s’ornait de diverses effigies princières et royales placées dans des niches que gardaient des statues de gens d’armes. Une pléiade de maîtres fut requise pour la « taille » de ces effigies : Jean de Saint-Romain, particulièrement fameux, Jacques de Chartier, Guy de Dampmartin, Jean de Launay, tous français. On y joignit un belge : Jean de Liège. Quelles statues pensez-vous que l’on réservât à cet étranger ? Celle des gens d’armes ? Non point. Celles du roi lui-même, de Charles V et de son épouse Jeanne de Bourbon. Cette commande n’épuisa point la faveur royale. Charles V qui avait été duc de Normandie, souhaita que son cœur fut déposé dans la cathédrale de Rouen et à cette intention fit exécuter de son vivant un tombeau d’albâtre et de marbre par Jean de Liège. Le mausolée montrait la figure étendue du souverain, grandeur naturelle, recouverte de vêtements royaux, tenant d’une main le sceptre fleurdelisé, de l’autre un cœur.

Le tombeau du fou de la cour Thévenin de Saint-Léger († 1340), fut également commandé à l’artiste liégeois et payé largement.

La cour de Flandre, d’autre part, employa le maître au tombeau de Jeanne de Bretagne, et cette œuvre, ornée de cuivre, entourée de ferrures et de treillis, fut placée dans l’église des Dominicains d’Orléans. Il ne reste hélas ! aucun vestige de tous ces importants travaux et les créations du sculpteur ornemaniste Jean de Liège employé plus tard à la Chartreuse de

  1. Cf. Dehaisnes, nombreuses mentions ; Courajod, T. II, p. 117 et suiv., et Sauval, Recherches sur les Antiquités de la ville de Paris. T. I.