Page:Fierens-Gevaert, La renaissance septentrionale - 1905.djvu/160

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« Hubert vit le jour vers 1366, et Jean plusieurs années après. » Ruelens le fait naître en 1380, l’abbé Carton en 1400, Crowe et Cavalcaselle entre 1382 et 1386, M. Hymans avec quelques autres critiques choisit l’année 1300 en songeant au portrait de la femme du peintre exécuté en 1439 alors que le modèle avait trente-trois ans. Si Jean était né en 1380, il aurait eu cinquante-neuf ans au moment où sa femme en avait trente-trois, ce qui eût fait une différence de vingt-six ans. Cet écart ne paraît pas extraordinaire, quand on songe que Rubens à cinquante-trois ans épousa en secondes noces sa nièce Hélène Fourment qui en avait seize ; mais pour ne point prolonger cette discussion, mettons que Jean est né en 1390.

Van Mander assure et nous n’avons pas de peine à le croire, que Jean dès son jeune âge était doué d’une vive intelligence et manifestait de hautes aptitudes pour le dessin. Son premier maître, toujours d’après l’auteur du Schilder-Boeck, fut son frère et cela aussi semble très vraisemblable. Je ne sais sur quels documents s’appuie Michiels pour nous parler de son excellent caractère, de son élégance naturelle de gestes et de tournure, ou plutôt je sais très bien que Michiels sur ce point en est réduit, comme nous tous, aux suppositions. Par contre, un témoignage digne de foi, — celui de Barthélemy Facius, mort en 1457 et par conséquent contemporain de Jean Van Eyck, — nous apprend que le frère cadet avait étudié soigneusement la géométrie, les livres de Pline et des autres anciens. « Il savait en outre, » ajoute Facius, « le peu de chimie alors connue et l’art de distiller ».[1]

Il se pourrait que la Tête de Christ du musée de Bruges, fût une œuvre de la toute première jeunesse de Jean. Le rouge du manteau, le dessin des orfèvreries sont bien caractéristiques et si les cheveux sont peints assez faiblement, la barbe est traitée avec grand soin. Ce qui nuit surtout à cette Tête, dont le charme un peu hésitant n’est nullement emprunté, c’est le voisinage de la Madone du Chanoine Van der Paele et du portrait de la Femme du Peintre, deux des plus illustres chefs-d’œuvre de Jean. Au surplus, nous ne songeons point à trancher la question ; il se peut que l’on soit ici en présence d’une réplique de la Tête de Christ de Berlin, d’un art autrement affirmatif ; qu’il nous suffise de dire que la Sainte Face de Bruges ne mérite point l’absolu dédain que lui témoignent certains critiques.

La première mention qui concerne Jean Van Eyck remonte à 1422. Il reçoit douze sols pour avoir peint un cierge pascal pour la cathédrale de

  1. Facius, Barth. de Viris illustribus, in 4°, Florence 1745 ; p. 46.