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feste, que VIII jours entiers dura, c’est assavoir de dimenche VIII de janvier, jusques au dimenche XVe du dit mois inclusz, fut si entière, excellente, pleinière et sumptueuse, que longtemps devant n’avoit esté faicte si puissante ès marches de France ».

Le 16, Bruges rentrait dans le calme et les souverains des Flandres partaient pour leur bonne ville de Gand. Sur quoi le récit prend fin.

La physionomie d’un des héros de ce voyage est perpétuée par un chef-d’œuvre de Jean Van Eyck.

Dans le Chevalier de la Toison d’Or, que le musée de Berlin possède depuis quelques années, il faudrait voir pour M. Weale le portrait de messire Jean de Roubaix, l’ambassadeur de Philippe le Bon à la cour de Portugal, le mari par procuration de l’Infante Isabelle.[1] De la main droite il tient une canne sans apparat ; sa houppelande de brocart se fleurit de dessins magnifiques et sur ses épaules tombantes est posé le collier de la Toison d’Or. L’immense chapeau du temps couvre sa tête ingrate et caractéristique ; yeux éteints et ennuyés, sourcils soucieux, nez allongé et surtout menton énorme, très en hauteur, que prolonge le cou fort et ridé, ce qui donne à l’ensemble de la physionomie un aspect singulier, vertical et cylindrique. Messire de Roubaix devait donner mauvaise idée de la santé flamande à la cour portugaise. Au surplus, il fut très malade au retour de l’ambassade et sans doute n’était-il pas homme à supporter la fatigue des banquets, cavalcades et tournois… Mais pour M. Dimier[2], le personnage ne représente pas l’ambassadeur ; nous serions en présence d’un seigneur de sa suite, Baudouin le Bègue, sire de Lannoy et de Molembais, gouverneur de Lille et chevalier de la Toison d’Or. La preuve que fournit M. Dimier est bien convaincante. Le chevalier en question est copié à la mine de plomb dans le recueil d’Arras, avec une exactitude minutieuse.[3] Or le nom qu’on lit sous ce dessin n’est pas celui qu’indique M. Weale. Le voici :

Baulduyn de Lannoy, dit le Besgue
Sieur de Molembais.

L’absence des ambassadeurs avait été de quinze mois. Celle de Jean

  1. J. Weale. Portrait d’un chevalier de l’ordre de la Toison d’Or, peint par Jean Van Eyck (Gazette des Beaux-Arts 1900. T. II. p. 173 —176).
  2. Dimier. À propos d’un portrait peint par Jean Van Eyck. Chronique des Arts, novembre 1900. Dans cette contribution fort intéressante, M. Dimier semble ignorer que Baudouin de Lannoy fit partie de l’ambassade envoyée au Portugal.
  3. n° 105, folio 109.