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mentionnent que l’orfèvre Jean Pentin de Bruges reçut 96 livres 12 sols pour six tasses d’argent données par Monseigneur au « baptisement » de l’enfant de Jean. Le nouveau-né fut tenu sur les fonts au nom du duc par le seigneur de Chargny et c’est à Bruxelles que ces décisions furent prises le dernier jour de juin 1434 — un peu plus de trois mois après la fameuse lettre de Dijon.[1]

Et voici de l’année 1436, pour finir la liste des portraits d’hommes datés, l’admirable figure de Jean de Leeuw (Vienne, Galerie imp. de peinture) pensif, ardent, au visage concentré et plein de rayons. Quel est ce jeune homme grave, si ancré dans ses convictions et son idéal ? Son âme luit dans ses yeux souriants, erre sur ses lèvres chargées de mots, flotte sur son visage fin où le sang afflue. Rarement l’esprit apparut avec autant de clarté dans les portraits du maître. On lit en flamand sur le cadre primitif : « Jean de Leeuw lequel ouvrit les yeux à la clarté, le jour de sainte Ursule 1401 ; me voici pourtrait par Jean Van Eyck qui me représenta, comme il est notoire, en 1436 ».[2]

Jean de Leeuw, nous apprend M. Weale, était membre de la Gilde des Orfèvres en 1430 ; il en fut le doyen en 1441. Quand le duc Philippe rentra à Bruges en 1455, après un assez long voyage en Allemagne, les logis se parèrent brillamment. Celui de Jean de Leeuw était entre tous remarquable ; tapis, tentures, bannières, écussons, feuillages, avaient sans doute été disposés avec art et profusion sur la façade, car les magistrats votèrent une prime à l’orfèvre[3]. Nous ne savons rien de plus du personnage, sinon qu’il survécut à son peintre. Les archives le signalent pour la dernière fois en 1456. Il n’avait que trente-cinq ans quand Jean Van Eyck fit son portrait ; entré depuis six ans dans la puissante corporation des orfèvres il était sans doute l’un de ces merveilleux sculpteurs de l’or que Bruges posséda au XVe siècle. Son art, sa cité, son prince et sa foi étaient les assises de sa vie ; il y ajouta le charme de l’amour. Il tient à la main l’anneau qui, dans nos vieux portraits — la coutume s’en poursuivit jusqu’à Bernard Van Orley — annonce les fiançailles et le bonheur futur du modèle.

Avant de parler des œuvres religieuses que le maître exécuta dans la

  1. Ibid. t. I p. 342.
  2. Jean de Leeuw op san Orselen dach dat claer erst mit oghen sach 1461, gheconterfeit un heeft mi Jan van Eyck wel blyckt wanneert tegen 1436. En réalité à la place du nom on voit un lion — leeuw en flamand.
  3. James Weale. Burlington Magazine, Mai 1904.