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lutionna la beauté chrétienne. Voilà, me semble-t-il, assez d’aveux. Quelques-unes de ces constatations ont été soumises à la critique. Que s’est-il passé ? On a voulu aussitôt nous enlever ce qui, de temps immémorial, avait passé pour un fruit de notre sol. Les érudits, qui planent, comme chacun sait, au-dessus des préjugés et des querelles, ont laissé entendre que nos vieux


Le Sergent d’armes du Beffroi, 1338
(Musée Lapidaire de Gand)
maîtres avaient joui d’une injuste gloire. Les critiques français se sont tout simplement annexé les maîtres belges qui avaient travaillé en France. Les Hollandais, derrière le grand nom de Sluter, ont proclamé que le réalisme moderne était né en Hollande. On avait tout accordé à nos ancêtres ; on voulut tout leur reprendre. Cette injustice est puérile ; le souvenir éclatant des Van Eyck la rejette dans l’ombre. La chrétienté avait été attentive aux créations de Sluter ; mais elle fut subjuguée définitivement par les Van Eyck. Hubert et Jean achevèrent la conquête. Il y a peu de maîtres au XVe siècle en Italie, en Espagne, en France, en Allemagne et, naturellement, dans les Pays-Bas qui n’aient eu la hantise, le respect ou le souvenir de leur génie.

Par eux, l’idéal du Nord régna à peu près sans partage jusqu’au commencement du XVIe siècle. À ce moment, ramenés par l’étude des canons vitruviens et des doctrines platoniciennes vers les formes synthétiques et la beauté idéale, les Italiens inaugurèrent brillamment l’ère du néo-classicisme. Mais l’observation de la nature demeurait pour tous les artistes un besoin essentiel. Michel-Ange étudiait l’anatomie dans les hôpitaux ; Raphaël, rejetant les poncifs péruginesques, prenait pour modèles ses camarades d’atelier ; Léonard de Vinci, voulant dépasser la nature, l’observait avec une rigueur objective de savant. La beauté classique n’a pas rompu avec le naturalisme septentrional ; le destin confia, semble-t-il, à la pensée puissante des Michel-Ange, des Raphaël, des Léonard la mission d’harmoniser en leurs œuvres le spiritualisme, qui apparut dans une apothéose suprême, et le réalisme qui n’arrêta plus son cours. Faut-il s’étonner de l’impression que le peintre des Stances, celui de la Sixtine, celui de Sainte-Marie-des-Grâces produisirent sur les maîtres flamands du XVIe et du XVIIe siècle ? Aucun