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imagiers de Chartres, de Reims, de Paris. La beauté française conquiert sans résistance tout l’art européen ; elle est la beauté chrétienne par excellence. Les successeurs de Nicolas de Pise s’en pénètrent. Chez nous le tympan de l’hôpital de Bruges, un peu lourd peut-être dans le détail, mais d’une grâce parfaite dans son joli rythme architectural, une admirable Vierge à Saint-Jean de Liège, encore recouverte de ses vieux ors, les tombes d’Henri Ier, de sa femme Mathilde et de sa fille Marie dans l’église Saint-Pierre de Louvain, disent l’annexion artistique de nos régions par la grande suzeraine du Sud.

La puissante expansion de l’esthétique française ne se fait pas sentir d’une manière aussi tyrannique dans la peinture européenne du XIIIe siècle, et bien que les miniaturistes parisiens fussent très admirés, des écoles brillent d’un éclat original en Italie et en Allemagne.

Les mosaïstes romains Jacques Torriti, Jacques de Camerino créent des figures réelles déjà par la robustesse des corps, puis viendront Cimabue (?), Duccio, annonciateurs de Giotto. En Allemagne une primitive école colonaise chantée par Wolfram d’Eschenbach rayonne à Hidelsheim, à Bonn, à Brunswick, à Bamberg. Constatons dès à présent cette importance des peintures italienne et colonaise. Le XIIIe siècle français si fécond en miniaturistes leur oppose comme grandes œuvres les fresques de Cahors d’un réalisme très vague. En Belgique nous avons du XIIIe siècle les fresques de la Biloque à Gand[1] assez primitives. On y voit trois anges soutenant une tapisserie à rinceaux, puis plus bas le Christ bénissant sa mère. Un saint Christophe et un saint Jean complètent ces vénérables vestiges. Les teintes sont plates ; les auréoles d’or ou d’argent ont tourné au noir ; des cernures sombres marquent les contours ; les pieds sont énormes. Le Christ bénissant semble pour l’élégance de certains traits et l’idéalité de la physionomie, une miniature française agrandie ; dans le saint Christophe se perpétuent les figures de l’art chrétien primitif… Je ne vois pas que ces réminiscences augustes, cette élégance française et ces gaucheries soient d'accablants indices de notre réalisme futur.

Que nous révélera dans notre pays le XIVe siècle, le siècle du Renouveau ? La plus grande activité artistique règne dans nos grandes communes,

  1. Pour M. Hymans la salle que décorent ces peintures est du XIVe siècle. Cf. Gand et Tournai : Les villes d’art célèbres, p. 175.