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CHAPITRE IV


L’école de Dijon. — Les chefs d’œuvre de Claes Sluter


Dans l’art septentrional du XIVe siècle qu’incarnent avec grandeur Jean de Liège, Jean de Bruges, Beauneveu, Broederlam, nous avons démêlé des tendances internationales où la survivance des conventions grandioses du XIIIe siècle et le reflet plus ou moins puissant de l’idéalisme italien et colonais venait tempérer les aspirations nouvelles plus proprement septentrionales. Nous retrouverons les productions ultimes de cet art composite des Valois quand nous étudierons les peintres comme Malouel, Bellechose, J. de Hesdin qui précédèrent l’avènement des Van Eyck. Mais il convient que nous signalions dès à présent l’admirable école, qui tout à la fin du XIVe siècle, s’affranchit avec éclat de la tradition éclectique et fixe irrévocablement les destinées de la Renaissance : c’est l’école dijonnaise presque uniquement composée de hollandais, de flamands et de wallons.

Un événement politique en favorise l’épanouissement. En 1369 Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, épouse Marguerite, fille de Louis de Mâle, et par ce mariage devient comte de Flandre en 1383. On sait que l’histoire des princes bourguignons est celle d’un incomparable protectorat artistique. Fondateur de la dynastie, Philippe le Hardi fut le digne frère de Charles V, au point que le faste célèbre de son petit-fils Philippe le Bon ne réussit pas à éclipser la gloire de son mécénat. La Flandre — encore que son orgueil démocratique eut été rudement châtié à Roosebeeke — traversait alors une phase de prospérité inouïe et jamais en aucune terre, en aucun temps, déclare un chroniqueur, on n’avait vu « telle richesse ne telle chière. » Les ouvriers d’art et les maîtres abondaient, comme d’ailleurs dans les autres