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Page:Fierens-Gevaert - La Peinture en Belgique, volume 1.djvu/158

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malle, Thierry Bouts doit être tenu pour un des fondateurs de la peinture flamande. Oublié au XVII siècle et au XVIIIe siècle, ressuscité au début du XIXe siècle, jugé d’abord sévèrement par des critiques qui vouèrent leurs meilleures sympathies à l’art italien, comme Crowe et Cavalcaselle, ou par des académiques impénitents comme Eugène Mintz (les jugements de ce dernier sur la plupart de nos primitifs et notamment sur Roger van der Weyden sont de pures aberrations), Thierry Bouts peu à peu retrouve sa gloire, sinon sa popularité. Fortune rare : on imagine très bien l’homme qu’il était, quelles furent ses façons de vivre ; et comme les renseignements que nous possédons sur sa vie ne contrarient point la notion que ses œuvres nous donnent de son idéal, c’est un artiste tout entier qui se dresse devant nous, vivant, pensant, croyant et, on peut l’affirmer, aimant son art comme il aimait Dieu, sans faiblesses et sans relâche.

De cette vie de Thierry Bouts qui dura trois quarts de siècle, le dernier quart seul à vrai dire nous apparaît avec cette netteté. Mais la lumière en est telle que nous pouvons apprécier le maître, parvenu à la pleine possession de ses dons moraux et artistiques, comme s’il s’agissait d’un artiste d’aujourd’hui. Il n’est ni le peintre à la fois aristocratique et irréductiblement réaliste que fut Jean van Eyck, ni le glorieux mystique que fut van der Weyden, ni l’évocateur du XVe siècle intime que fut le Maître de Flémalle ; il est le maître bourgeois, avec tout ce que ce qualificatif peut comporter à cette époque d’élevé, de digne, de fervent, de probe et d’élégamment patricien si l’on considère ce que la bourgeoisie d’alors suppose de vertus et de richesses. Comme individualité sociale, Thierry Bouts est au premier rang ; artiste, il est l’une des plus grandes figures du XVe siècle.

Thierry Bouts est né à Harlem ; le doute à cet égard ne nous semble guère possible. En tout cas il avait sûrement vu le jour hors des limites de l’ancien duché de Brabant ; un texte du registre des échevins de Louvain dit, en effet, qu’il est né extra patriam[1]. Son nom est Dierik ou Dirk Bouts ; c’est ainsi qu’il signait et c’est ainsi que l’appelle Molanus[2]. Thierry de Harlem, disent van Mander et Lampsonius — lequel consacre les vers cités plus haut à Theodoro Harlemio Pictori — tandis que Jean Lemaire de Belges parle de Thierry de Louvain. Guicciardini dis-

  1. Voir l’extrait d’un acte reçu par les échevins de Louvain le 12 juillet 1476 dans la brochure de Van Even : Thierry Bouts dit Thierry de Harlem, Louvain, 1864, p. 10. Les recherches dans les archives de Harlem n’ont amené aucune découverte sur T. Bouts. Cf. Les Artistes de Harlem par A. Van der Willigen. Pz. Harlem. Bohn (nouvelle édition) 1870.
  2. Cf. Alph. Wauters, op. cit. p. 3.