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Page:Fierens-Gevaert - La Peinture en Belgique, volume 1.djvu/160

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Il peignit à Harlem une Vie de saint Bavon signalée par un commentateur de Guicciardini, comme étant « un tableau exquis,… labouré avec toute patience », et un Saint Christophe destiné à l’église de Sainte-Ursule de Delft, œuvre qu’un vieux texte date de 1428 et attribue à un constenaere gebieten Birk[1].

Quelle est dans le génie de Bouts, la part qui revient plus spécialement à son milieu natal ?

Van Mander honore les anciens peintres de Harlem d’avoir découvert la meilleure façon de retracer la campagne[2], — et d’autre part Molanus qualifie Thierry Bouts d’inventeur du paysage (inventor in describendo rure). Il est vrai que van Mander et Molanus ne doivent être consultés qu’avec précaution ; mais l’auteur du Schilderboek ayant fini ses jours en Hollande, y a recueilli des traditions d’atelier souvent exactes et l’école harlemoise, tout particulièrement, avec le séduisant et poétique Geertjen van Sint-Jans, fut sans conteste une grande école de paysagistes ; d’autre part Molanus, dans son vaste recueil de notes sur les fastes de la ville de Louvain (découvert en 1855) donne quelques renseignements précis sur Thierry Bouts[3]. Inventor, certes, est excessif. Mais Bouts fut un maître du paysage et un maître original. Avec une délicatesse inconnue jusqu’alors, il réussit en certaines de ses œuvres à établir une relation entre les personnages et la nature qui les encadre ; et sans doute a-t-il appris des vieux peintres harlemois ce tendre respect des plantes, des arbres, de la campagne, qui deux siècles plus tard devait assurer la gloire des paysagistes hollandais…

Il se peut fort bien que Thierry Bouts, dont la naissance doit remonter aux premières années du XVe siècle, ait complété son éducation dans un atelier flamand ou brabançon : celui de Roger van der Weyden peut-être, de l’année 1435 à 1440 environ. Au fond d’un Christ en Croix de la collection Thiem, que l’on donne assez généralement à Dierik, on aperçoit la tour de l’Hôtel de ville de Bruxelles peinte avec netteté, — et si l’on nous prouvait que la Déposition de Croix du Musée de Bruxelles, signalée dans notre chapitre VI, est une œuvre de Thierry Bouts encore vivement attaché aux visions du grand Roger, nous n’en serions pas surpris, la beauté du paysage de cette Déposition ne pouvant nullement amoindrir la vraisemblance d’une telle attribution.

Vers l’année 1448, Thierry Bouts épousa une riche jeune fille de la bourgeoisie louvaniste, Catherine de Ponte ou van der Bruggen, dite Mettengelde (avec de l’argent).

  1. Van Even, (Thierry Bous dit Thierry de Harlem, p. 10) conteste que ce Dirck fût Dierick Bouts.
  2. Cf. Livre des Peintres. Tr Hymans. On lit dans la biographie de van Ouwater (t. I, p. 88) : « Les plus vieux peintres sont d’avis que c’est à Harlem que l’on a d’abord adopté la manière correcte de traiter le paysage. »
  3. Cf. Van Even : THierry Bouts dit Thierry de Harlem, p. 17.