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triptyque qui montre au centre l’écartèlement du saint par quatre chevaux sauvages qu’excitent les valets du bourreau. Sur l’un des volets le saint est interrogé par l’empereur ; sur l’autre le donateur Hippolyte de Berthoz et sa femme Elisabeth de Keverwick s’agenouillent dans un très beau paysage. Les patrons des donateurs : saint Hippolyte et sainte Elisabeth sont représentés en grisaille, à l’extérieur des volets. Le corps du martyr n’a plus cette remarquable sérénité du saint Erasme de Louvain ; pourtant les figures sont bien distribuées, et, n’était une certaine absence de vraie grandeur, le nom de Thierry Bouts s’imposerait sans conteste[1]. Le meilleur morceau du triptyque de saint Hippolyte est le volet des donateurs. Le paysage crépusculaire où se dressent des maisons paisibles est plein de poésie, d’une poésie fine et élégiaque qui annonce Memlinc. Les saints patrons des donateurs ne figurent pas dans le même volet, — particularité à noter également dans le retable de l’Annonciation du Maître de Flémalle. Mais le Martyre de saint Hippolyte offre en outre cette nouveauté de montrer pour la première fois des personnages profanes dans un paysage. Les figures sont si individuelles qu’elles détruisent l’unité du triptyque et si vivantes qu’on les tient généralement pour l’œuvre d’un autre artiste qui aurait achevé le volet et qui ne serait rien moins que l’expert de la Légende d’Othon : Hugo van der Goes. De bons critiques estiment pourtant que l’œuvre est tout entière d’une même main. L’auteur du Martyre de saint Hippolyte devrait être considéré comme le meilleur disciple de Thierry Bouts.

Celui-ci connut des imitateurs moins remarquables. Le Musée d’Anvers possède une série de peintures qui s’inspirent avec plus ou moins de bonheur de sa manière : le Saint Liénard délivrant des prisonniers, œuvre assez curieuse (Fig. LVI), la Translation du corps de saint Hubert, et le « portrait » de saint Hubert. Dans cette dernière œuvre les accessoires sont fort bien peints et la physionomie du saint a les caractères des figures de Thierry Bouts. Une Résurrection, même musée (Fig. LIX), est peinte aussi sous l’influence du portraiteur de Louvain.

Avant le 28 janvier 1473 Thierry Bouts avait épousé en secondes noces Elisabeth van Voshem, veuve d’un boucher, Jean de Thenis ou van Thienen. La seconde femme du maître devait être encore assez jeune ; elle était fort riche en outre et sa fortune semble même avoir valu quelques ennuis au peintre. Un boucher ayant réclamé une dette due par Arnould van Voshem, beau-père d’Elisabeth, il y eut procès au cours duquel Thierry Bouts donna plusieurs fois procuration. On a supposé qu’il se fit ainsi remplacer à cause de sa santé chancelante. Il mourut, en effet, peu de temps après son

  1. Pour Friedländer, l’œuvre est sûrement de Bouts. Mais il reconnaît qu’elle n’en pu à la hauteur des tableaux de Louvain vain et qu’elle est moins bien conservée.