Page:Fierens-Gevaert - La Peinture en Belgique, volume 1.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
88
LES PRIMITIFS FLAMANDS

de Saint-Pierre. Ce tableau a permis, par comparaison, de grouper sous le nom d’Albert Bouts un grand nombre d’œuvres dispersées dans les galeries européennes. La Belgique, pour sa part, conserve un nombre respectable de tableaux de ce « Maître de l’Assomption » dont l’identification avec le cadet des frères Bouts n’est plus guère discutée. Ce fils d’un homme de génie délaisse les fortes vertus de l’atelier paternel pour verser dans des raffinements d’un goût douteux. L’école de Louvain est, avec lui, en pleine décadence. Dans son Assomption (Fig. LVII) les tons bleuâtres dominent, le dessin est appuyé et anti-pictural, les têtes sont déplaisantes, ravagées, terreuses. La peinture des volets est plus légère, plus sympathique, plus blonde. Le paysage seul est vraiment remarquable avec ses combinaisons d’éléments locaux et ses lointains azurés où commencent à se faire sentir les influences méridionales. Le peintre figurerait à titre de donateur dans le volet gauche, avec sa seconde femme Elisabeth de Nausnydcre. On s’est demandé si le personnage agenouillé dans l’autre volet n’était pas son oncle maternel Henri van der Bruggen, dit Mettengelde, qui avait été son tuteur.

La réplique de ce tableau-type (conservée au même musée)[1] a été par malheur fort restaurée ; les collines du fond et les deux figures qui soutiennent la Vierge sont repeintes en tons criards. L’ensemble produit le plus fâcheux effet et les personnages du cortège funèbre qui circule au second plan sont tout à fait médiocres. La comparaison de la Cène d’Albert Bouts (Fig. LXI, Musée de Bruxelles) [2], avec celle de l’église Saint-Pierre, fait sentir également la distance qui sépare le fils du père. La disposition des apôtres dans le tableau de Bruxelles est la même que celle du chef-d’œuvre de Louvain ; mais les têtes sont grimaçantes ; l’artiste se contente pour les cheveux, les rides, la barbe, de procédés très conventionnels. Les accessoires pourtant sont excellents et les étoffes bien traitées, encore que le peintre adopte un système de plis très artificiels ; enfin la cheminée du fond indique qu’Albert Bouts — qui appartient, par ses origines, à la période « classique » de la peinture du XVe siècle, — admira sans réserve les nouveautés décoratives importées d’Italie. Le petit tableau Jésus chez Simon le Pharisien (Fig. LVIII), qu’on lui attribue également au Musée de Bruxelles[3], est peint avec plus de sûreté que le tableau précédent ; les chairs sont bien modelées et l’on retrouve un accent italien dans la désinvolture du personnage debout. Un bout de paysage — aurore ou coucher de soleil — est indiqué avec finesse. La composition reproduit en sens inverse un

  1. N° 535 du cat. A. J. Waurers.
  2. N° 542 du cat. A. J. Wauters.
  3. N° 626 du cat. A. J. Wauters.