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124 I-ES PRIMITIFS FLAMANDS

une monnaie avec l'effigie de Néron et l'inscription : Tiero Claudius Caesar Augustus Germanicus Tribunicia potestati Jmperalor. Dans le paysage on aperçoit deux cygnes et un cavalier rouge sur un cheval blanc. Les détails sont subordonnés à l'effet d'ensemble; le paysage manque de caractère individuel et l'on y voit naître la nature assez convenue par laquelle Memlinc remplacera presque toujours les sites réels. Mais la poésie de ce paysage s'harmonise avec l'expression du portrait. Memlinc n'a plus la rigueur, la dureté, les austères scrupules de l'ancien style. Son modèle par la pose et par le sentiment entre plus en contact avec le spectateur. Nous faisons un pas dans la voie de la beauté psychologique et subjective. C'est la gloire précisément de Memlinc d'avoir épanché les grâces de son âme dans plus d'une de ses œuvres sans avoir pour cela sacrifié les beautés techniques de la vieille école.

Le Triptyque de sir John Bonne, connu également sous le nom de Triptyque de Bevonshire parce qu'il fait partie de la galerie du duc de Devonshire (Chats- vi>orth), serait contemporain du portrait de Spinelli (fig. LXXXII). L'œuvre est célèbre, sinon populaire, depuis l'exposition des Primitifs ; elle en fut l'un des rares joyaux. Dans la partie centrale où l'on voit la Vierge et l'Enfant, entre deux anges musiciens, les donateurs sir John of Kidwelly, sa femme Elisabeth Hastings of Kerkby et leur fille, sont présentés par sainte Catherine et sainte Barbe. Le volet de gauche nous introduit dans une chambre gothique où se tient saint Jean l'Évangélisfe, le calice à la main ; sur l'autre est représenté saint Jean-Baptiste avec l'agneau. Derrière le pré- curseur apparaît, à moitié caché par une lourde colonne, un homme jeune encore, glabre, le chef couvert d'une de ces calottes de laine fort en usage à cette époque et qui font penser au fez turc. Dans ce spectateur la tradition veut reconnaître Memlinc en personne. On a la description d'un portrait du maître par lui-même, œuvre perdue et qu'un amateur vénitien vit en i Szo chez le cardinal Grimani ; mais le peintre avait soixante-cinq ans environ en exécutant cette dernière image et la description se con- tente de nous parler de sa figure imposante un peu trop forte et de ses cheveux roussâtres (t), vagues renseignements qui ne peuvent nous aider à reconnaître Memlinc dans le retable de sir John Donne.

On ne connaît point la date exacte de l'exécution du triptyque de Devonshire. De nombreux partisans de la maison d'York s'étant rendus en Flandre aux noces de Marguerite d'York et de Charles le Téméraire, célébrées à Damme le 3 juillet 1468 et fêtées ensuite à Bruges, il est probable que sir John Donne fit la connaissance de

(i) Cf. KAEnHERER, p. 32. Il existe à la Galerie Albertine (Vienne) un dessin qui est considéré par certains comme repré.- sentant Memlinc, Ce portrait est gravé par J« Van Oost.