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Page:Fierens-Gevaert - La Peinture en Belgique, volume 1.djvu/276

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l34 LES PRIMITIFS FLAMANDS

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Le génie de Memlinc grandissait toujours et nul technicien ne pouvait se mesurer avec lui. comme le prouvent les œuvres auxquelles il mit seul la main, et nous songeons moins à la délicate Annonciation de la collection RadzivDill (certains la croient de l'année i5oo) si harmonieuse dans sa composition, mais si déroutante par le mouvement des personnages, qu'au pur retable de Guillaume Moreel (Musée Communal de Bruges), trop peu apprécié à notre égard et qui marque peut-être l'apogée des conquêtes du maître (Fig. XCVIIl). Ce chef-d'œuvre date de 1484. Au centre, dans un beau paysage fluvial, on voit saint Christophe, saint Maur et saint Gilles ; à droite, le donateur Guillaume Moreel est agenouillé avec ses cinq fils et présenté par son patron saint Guillaume de Maleval ; à gauche, Barbara de Vlaenderberghe avec ses onze filles est accompagnée de sainte Barbe. L'extérieur des volets, très détérioré et peint probablement en 1 504, représente saint Jean-Baptiste et saint Georges en grisaille. — Il est impossible d'exprimer par le dessin et la couleur plus de douceur céleste qu'on en voit sur le visage du Porteur de Dieu et des deux saints qui l'accom- pagnent. La noble et calme émotion que Bouts communiquait aux figures de saint Jérôme et de saint Bernard dans son triptyque du Martyre de Saint-Erasme se reconnaît ici ; mais il s'y ajoute je ne sais quelle douceur vivante où s'annonce Gérard David. Le grave et attirant visage de saint Maur est l'image naturelle des joies mystiques. Ne con- serverait-on de tout l'œuvre de Memlinc que cette tête qu'on pourrait déterminer avec justesse la sublimité souriante de son génie. On en peut rapprocher le Saint Benoît lisant dans un bréviaire, des Offices (i), et l'admirable Tête de Moine, peinte à la gouache et conservée au Louvre. Quant aux portraits de Guillaume Moreel et des siens, ils sont un raccourci frappant de l'humanité croyante qui vivait alors dans les Flandres et possédait des maîtres incomparables pour perpétuer sa physionomie.

Le beau retable de Jacques Floreins (Musée du Louvre) qui représente le donateur, sa femme, leurs dix-huit enfants présentés à la Madone par saint Jacques Majeur et saint Dominique, est inspiré des mêmes sentiments de piété heureuse et familiale. C'est un précieux chef-d'œuvre qui doit être contemporain du retable de Guillaume Moreel, mais auquel une restauration indiscrète a malheureusement enlevé sa patine et ses délicates teintes d'azur.

Le diptyque de Martin de Niewcnhoven (Musée de l'Hôpital) achevé en 1487 est également un chef-d'œuvre, célèbre dès longtemps pour son ordonnance simple et

(1^ Ce Saini Benoit lisant et un Porfrail présumé de Bcnedetto Porliniri, éjilement aux 0|fices, seraient les volets d'une Vierge à la Pomme du Musée de Berlin peinte vers 1487.