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Page:Fierens-Gevaert - La Peinture en Belgique, volume 1.djvu/68

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de sa pitié ou de son ironie. Il les peint comme il les voit. Parmi tant de surprises que le Retable réservait aux contemporains, celle-ci fut peut-être la plus prodigieuse. Tout de suite la chapelle de Josse Vyt fut appelée la chapelle d’Adam et Ève.

Au-dessus des deux figures sont des grisailles représentant sur le panneau d’Adam, le Sacrifice de Caïn et d’Abel, et sur celui d’Ève, le Meurtre d’Abel. Ces petites scènes, enfermées dans des demi-tympans, imitent des hauts-reliefs, et les figurines en sont stylisées à la manière des grisailles extérieures. C’est, en deux actes brefs, le rappel du drame terrible et glorieux qu’évoque le Retable. L’offrande des deux frères annonce le sacrifice volontaire du libérateur, et le meurtre d’Abel rappelle que le sang de l’homme versé par le crime ne sera lavé que par le sang de Dieu.

Nous voici devant l’Agneau mystique. (Cathédrale de Saint-Bavon. Fig. XXI.)

La plénitude des temps est arrivée ; le Christ est mort et ressuscité ; il a lavé nos péchés dans son sang. La promesse divine, faite au commencement du monde, est accomplie. L’Agneau véritable, l’Agneau de Dieu attendu depuis quatre mille ans est venu ; il a remporté la victoire ; il est digne de recevoir la puissance, la divinité, la sagesse, la force, l’honneur, la gloire et la bénédiction dans les siècles des siècles[1]. La colombe mystique, lien spirituel entre le Ciel et la Terre, paraît au haut de la composition centrale, — l’Agneau mystique, — où monte, en colline douce, une vaste pelouse tout émaillée de fleurs printanières, fleurs de notre sol : campanules, muguets, violettes, plantins, pensées, primevères, lys. Au premier plan, la Fontaine de vie. La vasque est en pierre ; la lige annelée en laiton, surmontée d’un ange, dessine un profil que l’on rencontre souvent dans les chandeliers dinandais. L’eau « pure comme du cristal », que l’Apocalypse fait sortir du trône de Dieu et de l’Agneau, s’écoule en jets brillants et forme un petit ruisselet sous le bassin. Au second plan, sur l’autel rouge, l’agneau blanc, et, sur la nappe étincelante, un calice recueillant le sang rédempteur. L’autel s’enguirlande d’une garde d’innocence : anges aux ailes de pourpre pâle, vêtus de tuniques blanches avec des plis bleuâtres et rosés. Les enfants du fond portent les instruments de la Passion ; deux thuriféraires sur le devant balancent des encensoirs ; les autres prient. El c’est dans ce groupe isolé de l’Agneau et des angelets, un délicieux rappel des joies sereines de la partie supérieure.

À gauche de la Fontaine apocalyptique sont les prophètes agenouillés déployant les livres sacrés ; et derrière eux un groupe de docteurs, de philosophes, d’auteurs, d’artistes sacrés, ceux qui ont cru d’avance, ou qui ont été pleins de l’esprit de grâce, —

  1. Apocalypse, V, 12.