Page:Fierens-Gevaert - La Peinture en Belgique, volume 1.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’Ancône, Ruggieri da Bruggia pour Vasari, et cela parce que la cité-reine des Flandres résumait aux yeux des étrangers et surtout des Italiens, le pays flamand tout entier[1].

Les chroniqueurs du XVe et du XVIe siècles ne nous ont transmis que de pauvres renseignements sur le fondateur de l’école bruxelloise. L’érudition moderne a ressuscité cette grande figure, sans réussir d’ailleurs à en préciser certaines particularités essentielles. Né à Tournai entre les années 1397 et 1400, l’artiste s’appelait originairement de la Pasture[2] ; la traduction flamande de son nom s’est imposée à l’usage et a répandu sa gloire en pays germanique. Dans quel atelier fit-il son apprentissage ? « Rogelet de le Pasture, natif de Tournay, commencha son appresure, le cinquiesme jour de l’an mil CCCC vingt-six et fust son maîstre Robert Campin, paintre, lequel Rogelet a parfaict son appresure deuement avec son dit maistre »[3]. Telle est la mention que porte le registre de la corporation des peintres de Tournai. L’apprentissage aurait donc commencé en 1426 chez maître Robert Campin qui, toujours suivant le registre corporatif, mena le jeune artiste à la maîtrise. Ce Robert Campin fut surtout peintre de bannières et étoffeur de statues ; on ne signale de lui qu’un seul travail de quelque importance : les cartons d’une Vie de saint Pierre peinte sur toile par Henri de Beaumetiel[4]. Mais ce Rogelet ? S’agit-il de notre grand Roger ou bien plutôt de quelque homonyme. En 1426 Roger van der Weyden était déjà marié et père de famille. Sa femme, de souche bruxelloise, s’appelait Elisabeth Goffaerts et mourut en 1477 ou 1478 ; son fils aîné, qui fut moine à la chartreuse de Hérinnes, près d’Enghien, où il mourut en octobre 1473, naquit vers 1425 à Bruxelles[5]. Le diminutif de Rogelet devient un peu suspect, appliqué à un père de famille, et l’on peut s’étonner que Roger, marié vers 1424 à Bruxelles, installé dès lors dans la capitale brabançonne, ne commença son « appresure » à Tournai qu’en 1426. L’étonnement grandit devant ce fait, révélé récemment,[6] que le dimanche 17 novembre 1426 la ville de Tournai

  1. M. Masse (Roger van Brügge, der Meisler von Flemalle, Strasbourg, 1904), croit à l’existence d’un second Roger, connu en Italie sous le nom de Roger de Bruges et qu’il identifie avec le maître de Flémalle.
  2. L’origine tournaisienne de maître Roger nous parait définitivement établie. Cf. Hoger de la Pasture, son origine tournaisienne, etc., Ad. Hocouet, archiviste de Tournai. Casterman, Tournai, 1905.
  3. Cf. ibid, op. cit., p. 7. La lettre mise récemment au jour par laquelle Bianca Sforza recommande le peintre lombard Zanetto Bugatto à « maitre Roger de Tournai, peintre à Bruxelles, » est une preuve nouvelle de l’origine tournaisienne de l’artiste. Voir plus loin, p. 44.
  4. Pinchart. Quelques artistes et quelques artisant de Tournai. Bull, de l’Académie de Belgique, t. IV, 1881, p. 611. M. Pinchart a fait connaître aussi que R. Campin mena une vie « ordurière et dissolue », fut condamné de ce chef à un an de bannissement et vit sa peine commuée en une amende, grâce à l’intervention de Jacqueline de Bavière.
  5. Cf. Alph. Wauters. Roger van der Weyden, ses œuvres, ses élèves, etc., Bruxelles, 1856, p. 13.
  6. Houtart Maurice. Jacques Darel, peintre tournaisien du XVe siècle, 1907, p. 32. Cf. aussi Roger van der Weyden. Un nouveau document. A.-J. Wauters. Fédération artistique, 16 mai 1907. Du même : Études sur la peinture dans les Pays-Bas aux XVe et XVIe siècles. L’École de Tournai, Revue de Belgique, novembre 1907.