Page:Fierens-Gevaert - La Peinture en Belgique, volume 1.djvu/80

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

parties qu’encadrent des arcs ogivaux garnis de sculptures : statuettes, dais, pinacles, arcades aveugles, du plus charmant effet. Par une convention un peu singulière, les scènes principales se déroulent tout à fait sur le devant des panneaux, tandis que dans le fond, au delà des plans intermédiaires presque vides de figures, sont retracées de petites scènes de genre qui font contraste avec la solennité des figures de premier plan. La partie centrale : le Baptême du Christ se détache d’un paysage lointain ; à gauche la Naissance de saint Jean évoque le décor de la chambre à coucher tant de fois reproduit dans les annonciations gothiques ; à droite la Décapitation montre une salle à manger au bout d’une longue galerie. Comme perspectiviste, Roger n’a pas compris la portée de la révolution accomplie par Jean van Eyck ; quant à ses scènes de genre, ce sont des motifs de fond, pittoresques, animés, auxquels le grand maître mystique n’attache point grande importance.

Il y a tout lieu de croire qu’au moment où il peignait ce Retable de saint Jean, Roger portait déjà le titre de peintre de la ville de Bruxelles : « Portrater der stad van Brussel. » L’aile orientale de l’hôtel de ville avait été achevée avant 1420 et la salle des échevins s’ornait déjà vers cette époque d’un Jugement dernier très réputé[1]. Il est à croire que Roger entra au service de la cité non seulement pour ajouter des chefs-d’œuvre à ce Jugement dernier, mais encore pour diriger la polychromie et la dorure ornementale des boiseries, l’étoffage des cheminées sculptées et des poutres historiées. Comme peintre de la ville, il recevait tous les ans un tiers de drap, alors que les maîtres ouvriers (architectes, charpentiers, etc.) n’en obtenaient qu’un quart. Le drap du pourtraiteur était d’une qualité inférieure à celui des magistrats, chirurgiens, secrétaires, clercs, greffiers, — tous gens ayant l’usage du latin. Un peintre avait beau avoir du génie, il restait homme de métier… Pourtant Roger était particulièrement estimé et il est probable même que les fonctions de « portrater » de la ville ont été créées à son profit. En 1436 il avait sans doute déjà accompli les travaux que la cité attendait de lui, car, par ordonnance du 2 mai de cette année, les magistrats décidèrent qu’après sa mort son emploi serait supprimé : « dat men na meester Rogiers doet, gheenen anderen scilder aenemen en sal[2]. »

Ce serait donc selon toute vraisemblance avant 1436 que Roger van der Weyden peignit les quatre grands tableaux à l’huile, représentant des exemples de justice qui ornèrent l’hôtel de ville jusqu’à la fin du XVIIe siècle[3]. Nous savons par de nom-

  1. A. Pinchart. Roger van der Weyden et les tapisseries de Berne, 1864.
  2. Cf. Alph. Wauters, op. cit. p. 26, note 2.
  3. Pour les tableaux de l’hôtel de ville de Bruxelles Cf. Roger van der Weyden et les tapisseries de Berne, Al. Pinchart. Extrait des Bulletins de l’Académie royale de Belgique, deuxième série, tome XVII, no 1, janvier 1864. C. Kinckel. : Die Brusseler