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Page:Fierens-Gevaert - La Peinture en Belgique, volume 1.djvu/83

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breuses descriptions de voyage qu’ils produisaient la plus vive impression. Dürer nous a transmis le nom de leur auteur ; une narration du premier voyage de Philippe II dans les Pays-Bas décrit la « maravillosa pintura » que l’héritier de Charles-Quint admira dans la salle du Conseil ; Guicciardini ne manque pas de citer les « superbes tableaux » que van Mander signale lui aussi, avec quelques erreurs dans l’indication des sujets et beaucoup d’enthousiasme. Si l’on en croit l’auteur du Schilderboek, le docte Lamponius rédigeant des actes politiques ou diplomatiques dans la salle des van der Weyden, interrompait de temps en temps son travail pour s’exclamer : « Ô Roger, quel maître tu étais ! » Un auteur du XVIIe siècle, Colvener, nous apprend qu’on faisait voir les peintures aux étrangers et bien des voyageurs, en effet, continuèrent d’en parler : Pierre Bergeron (1617) Balthazar de Moncamp (1663), Jacques Bullart (1682) lequel écrit que Roger « eust pu difficilement choisir en toutes les histoires des sujets plus dignes de son pinceau, et plus capables de porter les esprits à la révérence de la justice ; et l’on eust pu — ajoute-t-il — difficilement trouver parmy tous les peintres un peintre capable de les représenter si parfaitement que luy. » Il n’existe point de répliques de ces tableaux ; néanmoins nous pouvons nous en faire une idée, car ils ont servi de modèles aux célèbres tapisseries conservées à Berne et prises par les Suisses dans le camp bourguignon après la défaite de Charles le Téméraire à Granson. On y retrouve avec les textes latins qu’on lisait sur les bordures des tableaux, les quatre scènes que Roger — au dire des vieux chroniqueurs — avait traitées dans ses peintures de justice. Deux des tapisseries retracent, en quatre épisodes, la légende de l’empereur Trajan que le moyen âge tenait pour un saint homme : Trajan recevant la supplique d’une veuve, l’empereur parmi ses fidèles, le pape Grégoire priant pour l’âme de Trajan, puis après des siècles, la découverte miraculeuse de la langue de l’empereur, — laquelle n’avait jamais prononcé que des jugements intègres. — Les deux autres panneaux évoquent la légende de Herkenbalt. Dans le premier le comte donne la mort à son neveu coupable de viol ; dans le second le même Herkenbalt reçoit miraculeusement avant de mourir l’hostie qui lui avait été refusée par l’évêque. Les costumes des scènes « antiques » autant que ceux de la tragédie médiévale indiquent que les tableaux étaient de la première époque du peintre, — peu après 1430, — et ici, comme là, les figures puissantes laissent transparaître le sentiment grandiose, de l’œuvre originale. Une cinquième tapisserie représentant l’Adoration des Rois complète cet ensemble ; il se pourrait qu’elle fût

    Ratbausbilder, Berne, 1867. MM. Pinchart et Kinckel ont identifié les tableaux de l’hôtel de ville avec les tapisseries de Berne ; cette opinion rallie aujourd’hui l’unanimité des critiques. Pour l’étude esthétique des tapisseries, Cf. K. Voll. Die altniederländische Malarei, Leipzig 1906 pp. 56 et suiv. Une des tapisseries de Berne est reproduite dans l’ouvrage de Müntz : la Tapisserie. Paris, Quantin, 1882.