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de son côté, abandonna l’hypolhèse Mandyn. L’énigme du monogramme M subsiste. Qui la résoudra ?

Nous serions bien tenté pour notre part de remettre en discussion le nom de Bruegel le Vieux. Mais notre souci doit être avant tout d’analyser le caractère et de souligner la beauté des œuvres. Essayons donc de décrire les aspects divers et successifs du génie de Bosch en passant rapidement en revue ses tableaux incontestés et quelques-unes des répliques célèbres où survit l’inspiration des œuvres perdues.

Bosch traita d’abord les thèmes classiques de l’iconographie religieuse dans un sentiment traditionnel. Appartiennent à la première manière du maître : l’Adoration des Mages (Prado) confisquée chez Jean de Casembroot, une Nativité au Musée Walraff Richarlz de Cologne et le Saint Jérôme avec saint Antoine et saint Gilles de la Galerie impériale de Vienne. L’Adoration des Mages se rattache, par la vérité du paysage, à l’école de Harlem ; les tons argentés des feuillages y répondent avec une très grande finesse aux lueurs d’or d’une ville lointaine. Un réalisme satirique se fait jour dans les physionomies des curieux qu’attire le cortège des rois. Les mêmes faces ahuries et narquoises se retrouveront dans les premiers tableaux de Bruegel. Une Adoration des Mages de l’église d’Anderlecht près de Bruxelles (Fig. CXXX), malheureusement très restaurée, est très analogue à celle du Prado[1]. La Nativité de Cologne, tout en fixant avec un pittoresque inédit le décor du pays campinois, laisse encore apparaître quelques souvenirs, faibles d’ailleurs, de Thierry Bouts et de Gérard David. Le Musée de Bruxelles possède une réplique (ou répétition d’atelier) de cette œuvre (Fig. CXXXI)[2]. La convention disparaît du décor ; les assistants se livrent aux occupations les plus familières comme d’ôter leurs bas ; les personnages sacrés eux-mêmes s’humanisent au point de perdre toute gravité. C’est vraiment la Nativité des paysans. La technique est fort curieuse et par les tons crus des chairs largement modelées, par les ombres légères des visages où les plans s’indiquent avec une rare fermeté, par la belle nuance rousse des cheveux de la Vierge, nous connaissons tout de suite les audaces de Bosch dans le domaine du métier. Le Saint Jérôme (Galerie impériale de Vienne), qui fut jadis à Venise, montre le moine dans un édifice en ruines auprès

  1. Cf. Hulin. Catalogue des Primitifs.
  2. Cf. A.-J. Wauters. Catalogue du Musée de Bruxelles.