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3o6 LES PRIMITIFS FLAMANDS

Lombard, Jean Gossart de Maubcugc, cessent de régner dans l'atelier du peintre liégeois au profit de la rigueur et de la furia romaines. Van Mander, romaniste con- vaincu, en témoigne. « Lorsqu'il (Lambert) visita l'Italie et Rome, il n'y resta pas inactif et devint, à son retour, dans son coin rocheux du pays liégeois, le père de notre art de dessiner et de peindre, le dépouillant de sa rudesse et de sa lourdeur barbare, pour mettre à la place les beaux principes de l'antiquité, ce qui lui valut une somme considérable de gratitude et d'éloges » (i).

Van Orley, Gossart, van Coninxioo, van Clève, Blondeel même, sont des italia" nisants ; mais leur art est pénétre des traditions du XV* siècle. Leurs personnages sont vêtus de costumes contemporains et leurs physionomies portent les marques d'un loca- lisme accentué. Les réminiscences méridionales de leurs architectures s'accommodent d'in- ventions fantaisistes qui donnent à leurs décors des aspects un peu hybrides ; ce n'est pas sans raison que les critiques allemands ont parlé à ce propos de « baroque primitif ». Les élèves de ces maîtres font un pas décisif dans la voie de l'esthétique romaine. Pierre Coecke et Michel Coxcie, tous deux élèves de van Orley, répandent les nouvelles doc- trines dans l'école brabançonne; Pierre Pourbus, successeur de Lancelot Blondeel, les fait triompher dans l'école brugeoise (ce fut pour elle le coup de grâce); Lambert Lombard, élève de Jean Gossart, incarne si puissamment le nouveau mouvement à Liège que les jeunes gens les plus doués de la jeune génération accourent auprès de lui et que même des écoliers lui viennent de Hollande et d'Allemagne. Parmi les disciples de Lambert Lombard on cite : Guillaume Key — grand nom, grande énigme ; Hubert Goitzius, peintre, numismate, écrivain qui dans un passage souvent cité a rendu hommage à la science archéologique de son maître ; Lampsonius, plus connu comme poète-chroniqueur que comme peintre ; Lambert Suavius, un artiste aux talents multiples, apprécié surtout comme graveur ; Jean Ramcy, à qui Otto Voenius, le troisième maître de Rubens, demanda des conseils ; Pierre Dufour, alias Jalhea Furnius, très estimé de ses contem- porains ; N. Pesser ; ToUet et enfin et surtout Franz Floris qui fut de son vivant appelé V Incomparable. Après un séjour à Rome, Floris ouvrit à Anvers un atelier où l'on enseignait la plus pure esthétique idéaliste, où l'on s'exerçait à enlever aux figures leurs caractères individuels, aux décors leur physionomie contemporaine et à ressusciter l'esprit de la sculpture antique. Le succès fut sans précédent. Le nombre des élèves s'éleva à 120 ! Or, chose étonnante et jamais remarquée, de cet atelier où Michel- Ange était Dieu, sortent des coloristes remarquables ! Et {'Incomparable forme les Martin de Vos, les Adrien-Antoine Key, les Fràncken, tous maîtres préoccupés de

(1) Livre des peintre*. Traduction Hyman*.