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194 J-ES PRIMITIFS FLAMANDS

Raphaël, semble avoir conseillé à Metsys cette charmante idéalisation de la beauté féminine. Les personnages masculins — saint Joseph, Alphée, Joachim, Zébédée — font contraste avec leurs types contemporains très caractéristiques. L'architecture — une sorte de portique à trois arcades, avec coupole et lanterne au centre, — est peinte d'après des croquis rapportés d'Italie et 1 on y retrouve les éléments de cons- tructions brunellesciennes. Le paysage capricieux et bleuâtre (qu'on ne songe plus à attribuer à Patenier) est un souvenir des sites alpestres. Léonard et surtout ses élèves avaient introduit dans l'art ces fonds où la réalité accumule des fantaisies et confine à l'invraisemblance. Les flamands du commencement du XVI' siècle trou- vèrent mille variations à ce thème. Mais quel est le maître qui fit adopter définiti- vement ces fonds quasi fantastiques à notre école ? Peut-être est-ce Quentin Metsys lui-même?

Tous ces italianismes se fondent dans la plus parfaite unité de sentiment, de rythme, de lignes. Les personnages ne portent point le regard vers le spectateur (i). Ainsi font les assistants de la Cène de Bouts. La Légende de Sainte Anne se déroule presque hors du temps ; en tout cas la représentation de l'histoire sacrée commence à échapper aux contingences. La Mort de Sainte Anne (volet de gauche, Fig. CXLIV) est un tableau d'une largeur d'exécution et d'une profondeur d'émotion tout à fait extraordinaires et l'on peut se demander si l'école flamande avait déjà produit des œuvres d'une telle unité de style et d'effet. Les fresques italiennes du quattrocento ne mon- trent point de figure plus vraie et plus idéale à la fois que le Christ bénissant. Le volet de droite (Fig. CXLV) où l'on voit un ange, tout traditionnel, annonçant à Joachim la conception de sainte Anne, dénote une recherche, pas très heureuse à notre avis, de cette dynamique expressive que Bernard van Orley illustra de ses prouesses. Les volets extérieurs, particulièrement bien conservés, sont d'un intérêt capital. Dune part voici l'Offrande de Joachim repoussée (Fig. CXLVl), de l'autre Joachim et sainte Anne, faisant donation de leurs richesses aux pauvres ; et cette dernière scène (Fig. CXLVIl) se déroule dans un paysage urbain où l'on voit des archi- tectures italiennes ornées de statues et portant l'inscription : Quinte Metsys screef dit in )5oç, et où se dresse un clocher aigu qui semble avoir inspiré les constructeurs de la tour Notre-Dame d'Anvers. Mais que dire ici des figures ? A regarder ces pontifes puissamment décoratifs, vêtus de chasubles flamboyantes, à considérer l'harmonie écla- tante et sûre des couleurs, ne semblc-t-il point qu'il n'y a plus qu'un pas à fran- chir pour arriver tout de suite aux pompeuses peintures du XVII' siècle anversois?

(i) C). HYMAMt, ari. ci:.