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LES PRIMITIFS FLAMANDS tçS

Voici déjà l'essentiel du génie rubénien ; mise en scène triomphale et fière, manière de remplir le vaste cadre, équilibre entre la vigueur du coloris et l'ampleur des person- nages, — voici la digne préface du livre épique écrit par Rubens.

C'est encore l'archiviste van Even qui nous racontera l'histoire du grand triptyque de VEnsevelissement conservé au Musée d'Anvers (Fig. CXLVIIl) (i). L'œuvre fui commandée au maître par les menuisiers anversois pour .être placée sur l'autel que leur corporation possédait à In cathédrale de Notre-Dame. Elle était achevée le 26 août i5ii. On parvint très heureusement à la garantir de la fureur des icono- clastes en i366, — tandis qu'un autre tableau du maître qui décorait la cathédrale : le Sauveur en croix, fut détruit. Philippe II, grand admirateur de l'art flamand (ne fit-il point copier le Retable de l'Agneau?) offrit des sommes considérables pour le triptyque de l'Ensevelissement. Les menuisiers d'Anvers tinrent bon. La grande Elisa- beth faillit réussir là où le roi d'Espagne avait échoué. Appauvris par les troubles, les menuisiers allaient céder l'œuvre à la reine d'Angleterre quand sur l'intervention du peintre Martin de Vos le Vieux, le magistrat de la Ville l'acquit lui-même du doyen des métiers. L'Ensevelissement fut déposé à l'Hôtel de Ville, puis replacé en 1589, à la cathédrale, mais cette fois dans la chapelle de la Circoncision; il y resta jusqu'à 1798, fut transporté ensuite à l'école centrale du département des Deux- Nèthes et finalement au Musée d'Anvers.

En parlant de ce triptyque, l'enthousiaste Burger a cité Shakespeare, Cervantes, Molière, Homère et la Bible (2). Son lyrisme ne l'a pas empêché de faire quelques remarques caractéristiques notamment sur « le dessin allongé, les proportions un peu exagérées comme chez Mantegna », et de dire très justement à propos de l'EnJ*- velissement que Metsys était le pendant de Lucas de Leyde. Il est certain qu'ici, comme dans la Légende de sainte Anne, le maître réalise une synthèse des traditions du XV' siècle et des nouveautés du XVI'. Bien des détails : dureté des corps, inten- sité réaliste des expressions, luxe des costumes, révèlent l'artiste élevé dans les ateliers locaux; mais la proportion même des figures, l'unité du drame procèdent d'une autre

(i) Cf. Van Bvcn, p. ÎSi cl tuiv.

(1) BuROES W. Le Miuée d'Jlinim. eaxtttt du B*awfÂri$, I. XI, p. 3i.