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Z06 LES PRIMITIFS FLAMANDS

quoi, abandonnant à Adolphe de Bourgogne, seigneur de Beveren, sa charge d'amiral de Zélande, il s'installa entre Flessingue et Middelbourg dans son château de Zuyborch où il s'entoura de littérateurs, de professeurs, — Erasme, Jean Paludanus, Gérard de Nimègue, — et d'artistes primi nominis tels que Jacopo da Barbari et Jean Gossart. Pour celui-ci s'ouvrit sans doute une période de travail paisible et glorieux. C'est alors vraisemblablement qu'il peignit le prototype de la Madone, digne de Marco da Oggione, que ses imitateurs ont répétée à l'infini en exagérant la blancheur des chairs jusqu'à les rendre livides (Fig. CLII) (i). C'est peu après son retour d'Italie proba- blement qu'il peignit sa Vierge à la Grappe de Berlin, si caractéristique (2), et c'est encore tout ému des corps héroïques peints à la voiite de la Sixtine, qu'il exécuta ses figures d'Adam et d'Eve, dont Hampton-Court conserve la première version. Ce sont des nus de grandeur naturelle, sans expression, ou du moins sans l'expression auguste qu'on leur souhaiterait, mais admirablement modelés. Il en existe des répliques avec de légères variantes aux Musées de Berlin et de Bruxelles (Fig. CLIII), et l'on a tout lieu de croire qu'elles sont de la main du maître. En Belgique même il existe une œuvre de dimensions considérables où se retrouvent ces deux figures d'Adam et Eve; c'est un polyptyque de l'église Saint-Martin d'Ypres qui se compose de huit sujets. A l'extérieur la Mise en Croix, la Descente de Croix et les épisodes d'un siège de ville traités en grisaille ; à l'intérieur la Création d'Eue, Adam et Eve chassés du Paradis, puis nos premiers ancêtres en grandeur naturelle. La facture lisse et les ombres subtiles de ces grands nus sont tout à fait dans la manière des figures du Musée de Bruxelles. Le polyptyque d'Ypres est d'une exécution inégale ; nous sommes tout à fait tenté d'y voir une oeuvre de l'atelier de Gossart, terminée par le maître en certaines parties, — notamment les nus.

Si le délicieux portrait de jeune princesse figurée en Madeleine que possède M. Ch.-L. Cardon représente, comme on le croit, Isabelle d'Autriche, fille de Philippe le Beau et de Jeanne la Folle et sœur de Charles-Quint, l'œuvre doit avoir été commandée à Mabuse en i5i5 à l'occasion du mariage de la princesse avec le roi Christian II de Danemark (Fig. CLIV). La petite reine (elle avait alors quatorze ans) est exquise avec sa chevelure dorée, son visage délicat aux ombres finement hachurées de bistre, son corsage aux manches plissées en fines sinuosités botticelliennes. On a

(t) Des répliques existent aux Musées de Bruxelles, d'Anvers, Berlin, Douai, Hanovre, Cologne, Nuremberg- Au Musée de Tournai est une variante, malheureusement très repeinte, mais qui a dû être un excellent exemplaire. M. Max Friediander dans sa récente élude sur B. van Orl;y {jabrbuch der K. p. Kunslsammlungtn) émit l'hypothèse que le prototype de cette madone est gothique et a été vulgarisé par B. van Orley.

(z) On sait que la grappe de raisins apparaît aussi dans les œuvras de Gérard David. Voir ce qu; nous disons plus haut des rapports qui ont pu exister entre maître Gérard et Jean Mabuse.