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Z\0 LES PRIMITIFS FLAMANDS

de la galerie Colonna (peut-être celle que van Mander signale chez Wyntgis) complé- terait la liste des œuvres profanes de cette période. Le petit tableau Vénus tenant Cupidon de la collection Schloss, à Paris, où Vénus a les chairs si délicieusement enveloppées d'ombres transparentes, où l'amour est un petit Hercule, où les colonnes cannelées sont si gracieusement classiques, doit être aussi de la pleine maturité du maftre (i).

Un Triomphe de la lieligion chrétienne de la Galerie électorale de Hesse montre, sous une banderole, la date i523 et les lettres I. M. A. (la signature I. MA (buse)?) Est-ce une production de notre artiste? On date généralement de cette époque une oeuvre des plus célèbres : la Vierge et l'Enfant Jésus, au Musée du Prado. Ce tableau serait celui qui fut offert par la ville de Louvain à Philippe II pour le remercier d'avoir libéré d'une lourde taxe la vieille cité brabançonne très appauvrie par la peste de 1578. Dix ans plus tard, Jean van Schoore, bourgmestre des lignages, annonçait au chambellan du roi, Pierre de Ranst, que, pour montrer « l'amour et l'affection extrême » que les magistrats portaient au Roi, ils allaient lui envoyer « ung portraict de Nostre- Dame » acheté aux moines augustins, « fait de la main de Jehan Mabeuze, maistre principal en son tempz en tel l'ardt » et qu'ils espéraient « que ce pourroit estre chose agréable, comme une petite fleur mise en autel ». Soyons assurés que les magistrats louvanistes avaient fait bon choix, et que la petite fleur fut agréable au connaisseur pas- sionné qu'était Philippe II. Mais nous ne sommes pas absolument certain que la Vierge du Prado soit celle de la ville de Louvain; il est vrai que la Madone, enveloppée d'un manteau bleu, est finement peinte et que le portique qui l'encadre est merveilleusement détaillé ; il est vrai qu'on lit au revers l'inscription latine du professeur Philippe Sweerins qui fut mise au dos du « portraict de Noslre-Dame », en hommage au roi très catho- lique. Mais l'architecture du portique est une combinaison arbitraire de motifs gothiques et renaissants, d'un goût fantaisiste auquel Gossart avait alors renoncé ; et l'ensemble est d'une froideur à laquelle la science si souple du maître ne s'était jamais résignée. Ne sommes-nous pas ici en présence de quelque réplique ancienne, ou les magistrats de Louvain n'ont-ils pas attribué à « Jehan Mabeuze » l'œuvre d'un de ses contemporains, non pas un van Orley, mais un Coninxloo par exemple?

(1) Vénus reparaît dans une petite composition Mars, Vénus et Cupidon de la collection Mersch, Paris, qui pourrait être de l'atelier de Mabuse.