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gné des cholériques. Son voyage fut une suite d’ovations, et son entrée à Édimbourg, notamment, un véritable triomphe. On ne se lassait pas d’admirer, de glorifier le dévouement et le courage de l’illustre médecin français.

Delpech revint d’Angleterre avec la conviction bien arrêtée du caractère contagieux du choléra-morbus. Comme le fléau avait déjà envahi la France et menaçait Paris, il se hâta de faire part de ses impressions aux membres de l’administration publique, qui s’étaient réunis à la préfecture de police, sous la présidence de Dupuytren, pour aviser aux mesures à prendre en cette circonstance. Delpech développa, avec sa chaleur et son éloquence ordinaires, son opinion sur la nature contagieuse du choléra, et il demanda l’adoption immédiate de moyens d’isolement énergiques, pour tous les lieux menacés de l’épidémie. Mais l’opinion de la transmissibilité par contact déplaisait alors ; elle fut combattue avec aigreur ; elle lui fut reprochée presque comme une faute. C’est alors que Dupuytren, levant brusquement la séance, pour couper court aux explications de Delpech, répéta fort mal à propos le mot de Cicéron au sujet de Catilina : « Il n’est plus temps de délibérer ; l’ennemi est à nos portes ! »

Et contre cet ennemi terrible, contre la mort qui frappait de sa faux aux portes de la capitale, il ne fut pris aucune espèce de précautions. On sait ce qui arriva, et le nombre de victimes que fit à Paris, dans cette première invasion, le fléau indien. On eût beaucoup amoindri ces malheurs, on se fût efficacement opposé aux progrès de l’épidémie, si l’on eût adopté les mesures de prudence qu’avait recommandées Delpech, après avoir fait toucher du doigt le caractère manifestement contagieux, c’est-à-dire transmissible, par contact, médiat ou immédiat, du choléra asiatique.

Fig. 546. — Cuvier.

Ce voyage en Angleterre, qui avait excité dans ce pays tant de témoignages d’admiration et de sympathie en sa faveur, ne fut donc, pour Delpech, en France, qu’une source d’amertumes. Le Gouvernement ne daigna reconnaître son dévouement par aucun acte de gratitude publique ; il revint à Montpellier, avec la seule conscience du devoir inutilement accompli.

M. Coste devait rentrer dans sa ville natale avec son maître, pour y reprendre la suite de leurs recherches sur l’embryogénie. Il en fut empêché par l’événement funeste qui vint clore tragiquement la vie de Delpech, et qu’il nous reste à raconter.

Delpech entretenait, à grands frais, à Montpellier, un vaste établissement orthopédique, situé sur la route de Cette, aux portes de la ville. C’est là qu’il recueillait sur le traitement des difformités congénitales, l’immense tribut d’observations, dont il a consigné le résultat dans ses ouvrages.

Peu de jours après son retour d’Angleterre, dans l’après-midi du 29 octobre 1832, il se