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au moyen d’amorces en papier, c’est-à-dire de petites parcelles de fulminate déposées sur un carré de papier spécial.

À 8 heures du soir, une détonation semblable à un coup de canon retentit, et fut suivie d’un bruit sourd. C’était le dépôt d’amorces de M. Blanchon qui venait de sauter. La maison qui le contenait, une maison à six étages, s’était effondrée et renversée sous le choc formidable résultant de l’explosion des gaz subitement formés par la détonation des amorces fulminantes.

Le sol avait tremblé, comme secoué par un tremblement de terre. Les vitres volaient en éclats, en même temps qu’une épaisse fumée emplissait toute la place du Château-d’Eau et les alentours.

Bientôt le feu éclata. Le combustible des cuisines, mis en contact, par l’effondrement de la maison, avec les matières inflammables, produisit un incendie, sans flamme, mais accompagné d’une fumée noire et intense.

À 9 heures seulement, on put approcher de cet amas de décombres fumants, et procéder au sauvetage des malheureux ensevelis vivants sous ces débris amoncelés, et en retirer les morts.

Pendant la nuit et la journée du lendemain on dégagea les blessés et les morts. Quinze personnes environ furent trouvées mortes et quarante blessées. Ce ne fut que quelques jours après que l’on retira des décombres le corps de la femme du gérant de la maison Blanchon, madame Mathieu, et le corps de sa servante.

D’après la déclaration de M. Mathieu, le gérant de M. Blanchon, le magasin de la rue Béranger contenait 800 grosses de capsules-amorces, représentant 576 000 capsules-amorces. En tenant rigoureusement compte de la proportion de fulminate qui entre dans ces engins, on comprend aisément l’effondrement épouvantable qui s’était produit.

À la suite de ce malheur, des expériences furent ordonnées pour en rechercher la cause, et voici les faits curieux que l’on mit en évidence.

On accumula sur le sol des paquets contenant, chacun, plus de vingt-cinq mille amorces Chaslin ; on arrosa ces paquets avec du pétrole, on y mit le feu. La flamme gagna la masse, mais aucune explosion ne fut constatée. Mais si l’on faisait tomber un morceau de bois, pesant à peine 3 kilogrammes, sur un tas des mêmes amorces, la masse faisait aussitôt explosion, et projetait au loin les matériaux divers dont elle avait été recouverte.

Certains explosifs exigent donc pour détoner le choc, la percussion, et non la chaleur.

Aussi l’étude des corps explosifs est-elle fertile en difficultés. Pour un même corps explosif, l’intensité des effets brisants varie avec la quantité de matière employée ; et la nature de ces effets varie suivant les conditions dans lesquelles l’explosion a été provoquée. Chaque substance explosive a deux modes d’action bien distincts : le moins énergique provient d’une explosion relativement lente ; le plus énergique provient d’une explosion instantanée. Les effets les plus violents sont ceux qui ont été provoqués par des agents produisant à la fois choc brusque, dégagement de chaleur et mouvement vibratoire.

L’une des grandes difficultés de l’emploi des corps explosifs se trouve donc dans la nécessité d’avoir de bonnes capsules-amorces. Avec une mèche à mine, par exemple, on n’aura qu’une explosion lente, et ce n’est évidemment pas ce que l’on recherche, pas plus dans l’industrie que dans l’armée. Avec une capsule très forte, au contraire, on obtiendra une explosion instantanée.

On a remarqué qu’on augmentait l’effet de la capsule-amorce en augmentant son épaisseur. C’est ainsi que des mineurs, munis d’amorces qui contenaient une charge